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PARIS - Engie et EDF, les deux géants français de l’énergie. Air France. La banque BNP Paribas. Qu’ont-ils en commun? Avec une quinzaine d’autres grandes compagnies, ils sont dénoncés pour leur soutien aux énergies fossiles... et ils sont les plus gros commanditaires de la conférence de Paris sur les changements climatiques.

Dénoncés au point où l’exposition Solutions Climat 21, qui se tenait au Grand Palais du 4 au 10 décembre, a dû faire l’objet d’un resserrement de la sécurité, après que des manifestants aient chahuté lors de l’inauguration. Il faut dire que les «solutions au climat» mises en valeur à cette exposition sont en bonne partie celles offertes par ces compagnies.

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S’agit-il d’un exemple de greenwashing? C’est ce dont les accuse la Coalition Climat 21, ce regroupement «alternatif» de 130 organismes non gouvernementaux (ONG) qui a organisé son propre sommet parallèle les 5 et 6 décembre. Ou bien s’agit-il d’un mariage obligé, parce qu'une lutte contre les GES serait impensable sans les compagnies émettrices? C’est ce que croyait Renaud Bettin, du Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarité, et qui dit avoir été surpris d’apprendre, peu avant l’ouverture de l’exposition, que les ONG comme la sienne y seraient en minorité.

Mais au-delà de cette exposition, c’est le financement de la COP21, la conférence des Nations Unies elle-même, qui a fait grincer des dents. Dès le moment où le gouvernement français a publié, le 27 mai, la liste des 20 plus importants commanditaires, des groupes de diverses allégeances sont montés aux barricades. Pour Oxfam, la COP21 est «financée par des champions français de la pollution». Pour le Réseau Action Climat, BNP Paribas est la «première banque française en termes de financement de projets d’énergie fossile».

Oxfam et Les Amis de la Terre sont de plus les co-auteurs d’un rapport qui, en mai dernier, critiquait sévèrement EDF (Électricité de France) et Engie: cette dernière, y lit-on, vante une «production d’énergie décarbonée», tout en continuant à gérer 30 centrales au charbon et à investir dans la construction d’autres, en Mongolie, au Brésil, et au Maroc. Le Maroc, où aura lieu la COP22, l’an prochain. Depuis la parution de ce rapport, la direction d’Engie a annoncé qu’elle ne construirait plus d’autres centrales au charbon.

Le rapport s’intitule «Émissions d’État», en référence au gouvernement français, qui est propriétaire à 33% de Engie et à 84% de EDF.

Les commanditaires de la COP ne font pas qu’afficher leurs logos et tenir des kiosques: en tant que «partenaires», ils ont eu du coup, pendant deux semaines, un accès privilégié à la «zone bleue», cette partie de la COP21 réservée aux journalistes, aux négociateurs et aux politiciens.

Paris s’en est défendu par l'insuffisance des finances disponibles: ces «entreprises partenaires» apportent en effet 20% du budget total de la COP21, budget qui était censé atteindre les 165 millions. Pour Olivier Petitjean, rencontré au sommet parallèle, c’est seulement la deuxième fois que des commanditaires occupent un tel espace; et par rapport à la fois précédente, à Varsovie il y a deux ans, la contribution des commanditaires privés serait trois fois plus élevée. Petitjean, qui est derrière une petite ONG appelée l’Observatoire des multinationales, se montre toutefois sceptique devant ce calcul: les contributions des partenaires sont «en nature» —fournir de l’équipement, le chauffage, l’eau, l’électricité, etc.— et le détail n’a pas été rendu public.

Évoquer le manque de budget, c’est mal poser le problème, ajoute Nicolas Haeringer, directeur du chapitre français de l’organisme environnemental 350.org. «Lorsque la France va accueillir l’euro de football l’été prochain, là, ce sera tapis rouge.»

Il propose en modèle l’Organisation mondiale de la santé: «dans la convention sur la lutte contre le tabagisme, il est écrit clairement que dans toutes les discussions sur les politiques de santé publique, nationales ou internationales, les représentants des intérêts du tabac n’ont pas le droit de participer».

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