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Une petite nouvelle, abondamment reprise dans les médias au début de décembre, a alerté les environnementalistes : la crevette nordique (Pandalus borealis) migrerait vers le nord en raison des changements climatiques. Ceux-ci pourraient entraîner une baisse des stocks de ce petit crustacé plus au sud, même si la pêche est plus abondante dans les eaux de Terre-Neuve-et-Labrador.

« Je ne pense pas que cette abondance soit liée aux changements climatiques, comme on a pu le lire dans les médias. Quelle peut être la survie des larves au printemps à l’est de Terre-Neuve? », s’interroge toutefois le chercheur Denis Chabot, de l’Institut des sciences de la mer Maurice-Lamontagne.

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Les crevettes sont menacées d’extinction dans le Golfe du Maine, un territoire qui se réchauffe et ce, bien plus vite que le reste des océans —la Commission des pêches maritimes des États de l’Atlantique a même décrété un moratoire pour les années 2014, 2015 et 2016 en raison de la faible récolte de 2013. Le réchauffement affecte donc déjà les pêches et par conséquent, ce qui se retrouve dans l’assiette des consommateurs.

Selon le chercheur, c’est mal connaître les crevettes que de penser qu’elles sont plus affectées par la chaleur. La jeune larve profite pendant deux mois du réchauffement estival avant de se transformer en crevette sémillante. « C’est le froid qui ralentit leur métabolisme —la température idéale à la surface pour un bon développement larvaire ne doit pas descendre sous zéro degré Celsius », ajoute le chercheur qui soutient que le véritable danger pour les crevettes réside plutôt dans l’augmentation de l’acidification des océans.

Et l’acidification est une conséquence des changements climatiques. Elle est actuellement à l’étude par de nombreux scientifiques dont ceux du programme national de recherche sur l’acidification des océans du Canada, lancé par le Marine Environmental Observation Prediction and Response Network (MEOPAR).

L’Arctique corrosif

Le problème avec la crevette, c’est que sa carapace en carbonate est soluble dans l’eau acide. « C’est plus difficile de construire une coquille ou de l’entretenir dans un environnement corrosif », explique le chercheur. Cette carapace lui est indispensable : pour se protéger contre les prédateurs et pour contrôler son pH intérieur. La qualité de cette barrière contre le monde extérieur contribue donc à sa santé, son dynamisme et sa reproduction.

« L’Arctique est la sentinelle du réchauffement climatique. Tout y est plus intense depuis le début de l’ère industrielle », constate Louis Fortier, le directeur scientifique d’ArcticNet qui tenait récemment à Vancouver son colloque scientifique ArcticNet 2015. Une rencontre durant laquelle près de 650 scientifiques et décideurs réfléchissaient aux adaptations pour faire face au bouleversement du climat dans le grand Nord.

« Tout ce qui se passe au Nord peut donc avoir des répercussions au Sud. Par exemple, l’augmentation de la température modifiera le régime des glaces, aura une influence sur le départ des feux dans la toundra et sur la migration des caribous ou encore sur la survie des oiseaux marins », explique-t-il. D’où l’importance d’être présent en Arctique pour témoigner de ces changements mais aussi de développer des approches novatrices aux problèmes que créent ces mêmes changements.

Des alertes sur l’acidification des eaux de l’océan Pacifique Nord alarment déjà les écologistes et les pêcheurs. Un phénomène venu du Nord qui pourrait bien influer à long terme sur le frétillement de la délicieuse petite crevette pêchée plus au sud.

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