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Est-il inapproprié de parler de changements climatiques pendant que les feux font rage en Alberta? De part et d’autre, l’argument a oscillé pendant une semaine entre «eux» —les résidents de Fort McMurray— et «nous» —les consommateurs de pétrole.

S’il est impossible de relier un événement unique aux changements climatiques —de la même façon qu’un fumeur n’a pas nécessairement le cancer parce qu’il a fumé— on peut du moins parler de statistiques. La durée de la «saison des feux» autour de Fort McMurray, rappelle le journaliste Jean-François Cliche — c’est-à-dire la période pendant laquelle le sol est libre de neige— est passée en un siècle de 185 à 205 jours.

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Sauf qu’évoquer de tels faits, en ce moment, serait faire preuve d’insensibilité à l’égard des évacués, ont réagi par exemple le chimiste blogueur Blair King, de Colombie-Britannique, et le chroniqueur du Calgary Sun Michael Platt. Ce dernier s’étant fendu, dans son titre, d’un «doigt d’honneur» destiné à tous les «on vous l’avait bien dit».

Si les arguments pro-climat lancés à la volée sur Twitter depuis une semaine n’ont pas toujours été d’une grande intelligence, c’est néanmoins à un texte fouillé que réagissait Blair King. Le météorologue américain Eric Holthaus y écrivait le 4 mai que les scènes d’horreur du nord de l’Alberta risquaient de se produire de plus en plus souvent, si la tendance au réchauffement se poursuivait. Devant la controverse créée par son billet, il renchérissait le 6 mai sous le titre : «Il faut que nous parlions des changements climatiques».

Je veux être clair : parler de changements climatiques pendant un désastre comme celui de Fort McMurray est absolument nécessaire. Il faut le faire avec sensibilité, en acceptant ce que les victimes sont en train de traverser et sans les blâmer... Mais ajouter du contexte scientifique aide à asseoir notre réponse et aide à chercher comment éviter que quelque chose d’aussi horrible ne se reproduise.

Signe que l’aiguille du débat s’est beaucoup déplacée ces dernières années, une journaliste scientifique américaine, Elizabeth Kolbert, et la chroniqueuse politique albertaine du quotidien le plus à droite du Canada, Jen Gerson, se sont retrouvées sur la même longueur d’onde. Cette dernière écrivait le 5 mai dans le National Post que «nous devons aux futurs résidents de Fort McMurray» et des autres villes nord-américaines menacées de ne pas ignorer la menace climatique:

Nous sommes tous des hypocrites. Et les conséquences de cette hypocrisie, de notre mode de vie, vont retomber, de manière imprévisible, sur d’autres. Fort McMurray n’est pas responsable de ceci... Nous sommes tous responsables des changements climatiques. Fort McMurray produit simplement une partie de ce que nous consommons.

«Refuser d’accepter ce lien» est offensant pour nous tous, écrivait Elizabeth Kolbert le même jour dans le New Yorker .

Nous sommes tous des consommateurs de pétrole, sans parler de charbon et de gaz naturel, ce qui veut dire que nous avons tous contribué à ce dernier enfer. Nous devons commencer par admettre notre responsabilité et nous devons ensuite agir. Le prochain feu sera celui dont nous aurons été prévenus, et que nous aurons tous contribué à allumer.

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