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Les projecteurs médiatiques se sont maintenant détournés de Durban, en Afrique du Sud, où la 21e Conférence internationale sur le sida a refermé ses portes. Le continent africain reste le bastion à conquérir dans le combat contre le VIH et le pays au célèbre cap se voit particulièrement meurtri par ce fléau – mais loin d’avoir jeté l’éponge – avec 7 millions de Sud-Africains infectés par la maladie.

De retour à Durban après seize ans, cette conférence, organisée par l’ International AIDS Society du 18 au 22 juillet derniers, a rassemblé plus de 18 000 personnes, principalement des chercheurs et des décideurs. Avec 30 millions de décès, 37 millions de porteurs de la maladie et plus de 13 millions de personnes non traitées autour de la planète, comment ne pas s’alarmer du fait que les avancées scientifiques ne rejoignent pas plus de monde ?

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Il y a seize ans, Durban avait fait l’Histoire en devenant un tremplin pour l’accès aux médicaments – alors que son président d’alors, Thabo Mbeki, dénonçait pourtant les antirétroviraux et la responsabilité du VIH dans le sida. C’était avant le procès de Pretoria qui a débouté les compagnies pharmaceutiques désirant interdire les médicaments génériques.

Malgré cela, et si le succès des antirétroviraux – un cocktail de médicaments qui ralentissent la réplication du virus et donc l’évolution de la maladie – se confirme partout, il n’y a toujours pas de vrai vaccin, véritable espoir de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030. Sans compter que la conférence a dévoilé l’explosion de la maladie chez les jeunes, qui bénéficient moins de cette trithérapie que les autres. Cette nouvelle alarme aujourd’hui la planète.

Mieux protéger les enfants

Les infections opportunistes ont fauché la vie de 150 000 enfants âgés de moins de 15 ans et atteints du VIH dans les pays en voie de développement pour la seule année 2014, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des infections et des décès qui auraient pu être évités si ces enfants avaient eu accès aux antirétroviraux pour soutenir leur système immunitaire, selon une récente étude menée par une chercheuse montréalaise.

En outre, l’accès au traitement des plus jeunes épargnerait, dans le futur, 18 millions de dollars américains par année pour les organisations de la santé autour de la planète, car cela réduirait les coûts pour soigner toutes les maladies (pneumonie, toxoplasmose, etc.) que les enfants contractent en raison de leur état.

Les infections opportunistes sont celles que ni vous ni moi n'allons développer, car notre système immunitaire fonctionne bien. « Ces maladies vont être mortelles chez les patients atteints du sida et les jeunes enfants, dont le système immunitaire se construit. Ils décèdent généralement de ça », explique Marie-René B-Lajoie du département de médecine familiale de l’université McGill et auteure principale de l’étude.

La chercheuse et son équipe ont épluché 88 publications s’échelonnant sur les 20 dernières années, entre 1990 et 2013, et visant 56 000 enfants, pour se rendre compte du peu de données existantes sur l’état de santé des enfants atteints du sida des pays du Sud. « En théorie, ils ont accès au traitement, mais en pratique, ce n’est souvent pas le cas », relève la chercheuse.

Actuellement, seul un enfant sur trois des pays en voie de développement d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine, des Caraïbes ou d’Asie reçoit cette thérapie contre deux adultes sur trois.

Et même si les chiffres de transmission maternelle du VIH chutent, les nouvelles infections touchent encore de nombreux jeunes – 220 000 enfants en 2014. « Sans compter tous les nourrissons qui décèdent trop rapidement pour qu’on ait eu le temps de l’identifier », relève la chercheuse.

L’argument économique pourrait, selon elle, aider à généraliser les programmes de traitement aux antirétroviraux auprès des jeunes malades. Le sida reste la première cause de mortalité des jeunes Africains âgés de 10 à 19 ans, selon un récent rapport de l’Unicef.

Cycle vicieux de propagation

Les relations sexuelles entre les adolescentes et les hommes plus âgés seraient l’une des clés de la propagation du VIH en Afrique du Sud. Une récente étude génétique, rapportée par la revue Nature et présentée à Durban, met en lumière ce phénomène social comme vecteur important de la maladie des plus vieux aux plus jeunes.

La relation courante du « sugar daddy » africain qui prend sous son aile une jeune fille en échange de faveurs sexuelles entame un cycle vicieux de transmission. La jeune femme infectée par l’homme plus âgé va à son tour donner la maladie à ses futurs partenaires contribuant à propager le sida à travers la communauté.

L’analyse de similarité entre les séquences génétiques virales de 1 600 personnes infectées par le VIH dans une communauté du KwaZulu-Natal a confirmé aux chercheurs du Centre du programme de recherche sur le sida en Afrique du Sud (CAPRISA) la validité de ce mode social de transmission de la maladie.

C’est pourquoi l’auteur principal de l’étude, Salim Abdool Karim, recommande la prise d’antirétroviraux en prévention chez les jeunes filles âgées de 15 ans, dans les communautés où le sida fait de forts ravages. Pour elles, le risque de contracter le VIH au cours de leur vie atteint 80 %. Alors que les recommandations de l’OMS vont dans le même sens, le gouvernement d’Afrique du Sud n’a pour l’instant pas emboité le pas destiné à protéger ces jeunes filles exposées à l’œil concupiscent des plus vieux.

La marche de l’espoir

Pourtant, l’espoir de parvenir à vaincre l’épidémie survit à toutes les frustrations. Les initiatives communautaires se multiplient. Parmi elles, la communauté numérique #EndHIV4Her diffuse les nouvelles connaissances scientifiques auprès des personnes à risque – telles que l’approche de prophylaxie (en amont) par antirétroviraux.

La cible des « 90-90-90 » en 2020 – 90 % des personnes atteintes du VIH diagnostiquées, 90 % des personnes diagnostiquées traitées par antirétroviraux et 90 % des traitements qui font disparaître le virus – est une promesse qui nécessitera pourtant des fonds et une meilleure adhésion politique.

Près de 600 enfants de différentes communautés de Durban et des environs ont transformé des conteneurs de plastique en une grande sculpture de trois étages en forme de papillon. Plutôt que le côté sombre, le papillon vise la lumière lorsqu’il sort de sa chrysalide. Une allégorie que la pandémie du sida pourrait un jour être stoppée et l’espoir revenir.

- Isabelle Burgun

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