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Deux conteneurs aménagés voyageront cette année pour offrir des lieux de socialisation aux hommes aînés et plus jeunes de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Atelier de petites réparations et lieu de vie, les deux installations mobiles constituent un projet de recherche-action mis en place par le directeur de l’Unité d’enseignement en travail social au Département des sciences humaines de l’Université du Québec à Chicoutimi, Dominic Bizot. Spécialiste de la socialisation masculine, membre du Réseau Masculinités et société, il nous explique l’importance de se mettre à l’écoute des hommes.

Agence Science-Presse — Quel est l’objectif de votre projet de recherche-action, l’atelier de travail ambulant Hommes Atout ?

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Dominic Bizot — Notre projet pilote veut offrir des lieux de socialisation adaptés aux hommes pour développer chez eux un sentiment d’utilité. Nous nous inspirons du mouvement des Men’s Sheds, des hangars communautaires australiens qui visent la santé globale des hommes en favorisant les liens sociaux et la transmission de connaissances. La recherche nous dit que les hommes ont plus de facilités à socialiser épaule contre épaule plutôt qu’en face, c’est plus facile dans l’action et autour d’un projet (des réparations, par exemple). Nous voulons recréer les conditions de socialisation plus masculines pour que les hommes viennent nous parler de leurs soucis (perte de travail, maladie, etc.) ou de leur vie (paternité). Plutôt que de les confronter avec ce qui ne va pas, nous voulons les valoriser et gagner leur confiance pour qu’ils participent et se confient, s’ils le désirent. C’est encore très expérimental et nous devons analyser notre démarche pour voir ce qui fonctionne et qu’est-ce qu’on va pouvoir apprendre de ça.

ASP — Pouvez-vous nous décrire ce projet ?

DB — C’est un projet financé par la Fondation Movember du Canada, qui nous a permis de transformer deux conteneurs de 16 pieds en un atelier de travail mobile et un lieu de vie — pour nos intervenants et pour les participants aussi, car il est susceptible d’offrir un lieu de retrait pour les interventions à réaliser auprès de ceux qui viennent. Réparer une radio, faire une balançoire, les participants viennent avec des projets et on les accompagne dans leur réalisation. Nos deux intervenants, le travailleur social Marc Saint-Pierre et l’ambulancier retraité Marcel, âgé de 60 ans, vont répondre aux questions de chacun. C’est la curiosité qui pousse les gens à venir. Les conteneurs sont ouverts aux femmes, les conjointes des participants viennent souvent nous visiter. C’est comme un atelier ou un garage. Et les participants qui n’ont pas de lieu ou suffisamment d’outils viennent travailler ensemble et ils ont une fierté à montrer ce qu’ils ont façonné. Nous les accompagnons, mais nous ne faisons pas à leur place. Nous faisons avec, pas pour eux.

ASP — Qu’apporte votre projet qu’un centre communautaire n’offre pas ?

DB — Il s’agit de répondre aux besoins d’hommes aînés en leur offrant un lieu de socialisation à leur image. Toutes les communautés n’ont pas les moyens de soutenir économiquement un centre communautaire où les hommes pourraient aller. Généralement, les hommes fréquentent moins les centres communautaires qui sont animés par des femmes — je pense, par exemple, au Groupe d’action bénévole de la communauté de Falardeau dont les membres sont des femmes. Sans remettre en doute la compétence professionnelle de ceux qui œuvrent dans ces lieux, ce sont souvent des services où les hommes ne se reconnaissent pas. À l’université, en service social, seulement 12 % des inscrits sont des hommes avec le risque de stigmatiser les interventions menées auprès des hommes. Notre projet créé une alternative, un lieu différent de ce qui est présent dans la communauté. Ce sont de petits milieux démunis où il y a peu de ressources communautaires et où il est parfois difficile de parler de choses plus intimes, car tout le monde connaît tout le monde. La communauté ne peut pas répondre aux besoins de tous.

ASP — Qu’avez-vous appris de votre recherche jusqu’à présent ?

DB — Nous allons faire l’évaluation de l’implantation du projet. Nous avons fait cinq voyages, sur les six prévus au printemps et à l’automne prochain – car suivant les saisons, les hommes vivent des choses différentes. Le retour de la belle saison va avec un retour de nombreuses activités : pêche, chasse, etc. Notre collecte de données prise lors de l’étude de milieu va nous permettre de prendre la température et de mieux comprendre ce qui peut être évalué et si nous serons capable d’atteindre nos objectifs. Nous rejoignons les hommes là où ils sont, généralement quatre ou cinq à la fois, et nous pouvons déjà voir l’importance des interactions entre hommes et de la transmission. Ceux qui savent ont le désir de partager leurs savoirs avec ceux qui ne savent pas. C’est très valorisant et ils se sentent utiles.

ASP — Quelle est la suite des choses ?

DB — Nous allons développer un volet de partenariat avec les autres départements de l’université (infirmiers, etc.) pour mettre en place, à l’automne, des cliniques nomades pour faire de la promotion à la santé – pas des interventions directes, plutôt faire le relais avec des professionnels au besoin. Pour les problèmes de santé, les hommes, s’ils sont satisfaits de la réponse à leur demande et qu’ils ont confiance, vont cependant retourner consulter – je l’ai constaté lors de mon étude sur la santé des hommes et on le lit aussi dans le projet conduit par Gilles Tremblay, de l’Université Laval, auquel j’ai contribué. Nous cherchons aussi à pérenniser le projet, car nous sommes mobiles et donc de passage, c’est pourquoi nous voulons travailler avec les municipalités et fidéliser les partenaires afin que ce genre de lieu perdure.

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