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Des manifestations prennent corps au sein de plusieurs villes et universités québécoises pour dénoncer la « culture du viol » à la suite des récentes agressions perpétrées à l’Université Laval. Les administrations des universités minimisent trop souvent ce phénomène et se sentent bien démunies pour l’éradiquer.

Ce que l’on appelle « culture du viol » en sociologie (ou « mythe du viol » en psychologie) touche une population plus large que le seul sous-groupe d’individus qui commettra la majorité des violences sexuelles – ceux qui endossent les idées que « cela n’arrive pas à une femme bien » et « si elle s’habille comme ça, c’est de la provocation ».

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Le phénomène déborde cependant des universités. « Ce n’est pas réservé au milieu étudiant. Il y a une dimension culturelle et sociale au problème », annonce Massil Benbouriche, chercheur associé en Santé biocomportementale à la Wayne State University (États-Unis).

Sa thèse, présentée récemment à l’école de criminologie de l’Université de Montréal porte sur les effets de l’alcool et de l’excitation sexuelle sur la perception du consentement. Bien que l’échantillon reste modeste, les résultats de ses travaux alarment par le nombre élevé de réponses qui cautionnent le mépris du consentement.

La moitié des 150 participants, des hommes de 20 à 39 ans – dont 40 % d’étudiants – estiment qu'ils pourraient utiliser des stratégies coercitives (promesses, menaces, intoxication du partenaire, etc.) pour avoir une relation sexuelle. Et un participant sur trois avoue qu’il pourrait passer à l’acte si les conditions étaient favorables – « si Marie, non consentante, ne portait pas plainte et que vous n’aviez aucune chance d’être poursuivi ».

40 ans après, même mentalité

Ces réponses sont semblables à celles obtenues dans les années 80 – qui variaient de 27 à 35 % des participants d’alors (Malamuth, 1980) – au sein de questionnaires sur le même sujet. Cela souligne combien les mentalités ont peu changé, malgré de nombreux programmes de sensibilisation à l’école secondaire et à l’université.

« Évidemment, il y a un écart entre répondre “je le ferais” et la vie réelle, mais ce taux élevé signifie que certains hommes considèrent “normal” de pouvoir répondre oui à une telle question, ce qui dénote d’un certain laxisme sociétal et d’une culture assez permissive quant aux violences sexuelles », relève Massil Benbouriche.

En outre, le chercheur pense que de nombreux participants font preuve de réserve en situation de laboratoire, malgré la garantie de confidentialité et d’anonymat. Ils seraient peut-être plus nombreux à avaliser cette réponse. « C’est une question peu aimée des chercheurs, qui pensent généralement que personne ne dira qu’il violerait une femme, même au sein d’une étude. La question qui importe est : à quoi renvoie la possibilité de répondre “oui” à une telle question au caractère si explicite ? », note-t-il.

« Un verre de trop » : pas une excuse !

« Il avait trop bu ». « Il ne s’est pas rendu compte ». Alors que la consommation d’alcool est généralement mise en avant pour expliquer de nombreuses situations de violences sexuelles, avoir un verre dans le nez ne constitue pas une excuse.

Certains participants se sont vu offrir un verre et d’autres pas, pourtant leurs réponses n’ont pas été corrélées avec l’ingestion d’alcool. « La difficulté à percevoir l’absence d’intérêt et de consentement se manifeste au sein des deux groupes. Et l’alcool n’a un effet plus spécifique que chez ceux qui vont adhérer au mythe du viol », relève le chercheur. Ces derniers ne vont pas chercher à entendre ce que leur partenaire leur dit et ignoreront plus souvent le refus de leurs avances.

Le passage à l’acte

Face au peu de réponses sur les campus à cet insidieux phénomène – qui dépasse les portes des établissements scolaires – un mouvement social vient d’être lancé : Québec contre les violences sexuelles. Une partie de la solution pourrait provenir des programmes visant les témoins de violences à caractère sexuel – « Bringing in the bystander » – ainsi que des programmes visant plus spécifiquement les hommes, selon le rapport « Le harcèlement et les violences à caractère sexuel dans le milieu universitaire », de la CREPUQ. « Il faut lutter contre la dilution de la responsabilité des observateurs de situations potentielles de violence sexuelle en leur apprenant quand et comment intervenir. La dimension normative propre aux groupes de pairs constitue également un levier important pour changer les mentalités. L’auteur de violence sexuelle est le plus souvent (85 %) quelqu’un de notre entourage ou une connaissance plus ou moins intime », rappelle Massil Benbouriche.

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