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Un texte mi-science, mi-philosophie, fait jaser chez les spécialistes du cerveau. Une attaque en règle contre le « fétichisme technologique » qui affaiblirait les recherches sur le fonctionnement de notre matière grise.

Si le cerveau est un organe des plus particuliers, c’est en raison des comportements qu’il crée, rappelle le neurologue John Krakauer, de l’Université Johns Hopkins, dans la revue Neuron. Sauf que les progrès de l’imagerie par résonance magnétique — qui permet de voir le cerveau en action — et de l’informatique — qui permet d’accumuler des quantités gigantesques de données sur chaque millimètre carré de ce cerveau en action — conduisent les neurosciences à délaisser les comportements pour se concentrer sur chaque neurone ou réseau de neurones. En vertu du principe voulant que si nous comprenons le pourquoi de chaque partie, nous aurons tôt ou tard une carte géographique de l’ensemble du cerveau.

Dresser une carte n’est pas une fausse piste, nuancent Krakauer et ses quatre collègues, mais c’est oublier un principe plus général : le comportement est « une propriété émergente », c’est dire quelque chose qui émerge d’un grand groupe. Un peu comme une volée d’oiseaux, qui semble parfaitement coordonnée, mais dont l’apparente coordination « émerge » en réalité grâce à quelques règles de base que suit, individuellement, chaque oiseau.

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Le journaliste Ed Yong compare cela à une expérience faite l’an dernier par deux neurologues autour des vieux jeux vidéo Donkey Kong et Space Invaders, précisément dans le but de voir si l’approche des neurosciences permettrait de prédire le comportement du microprocesseur. Échec.

Il y a toutefois un contre-argument à la critique de Krakauer, et c’est que les neurologues sont conscients qu’ils n’auront pas toutes les réponses en étudiant neurone par neurone, mais qu’il leur faut commencer quelque part, s’ils veulent un jour pouvoir arrimer le fonctionnement de notre cerveau à nos comportements. Et même Krakauer et ses collègues prennent soin de souligner qu’ils ne sont pas opposés en soi aux joujoux technologiques des neurosciences : « ces nouveaux outils sont incroyables. Je les utilise en ce moment même dans mon laboratoire », reconnaît un des cosignataires, le neurologue Asif Ghazanfar, de l’Université Princeton.

Mais j’ai d’abord passé sept ans, poursuit-il, à étudier le comportement vocal des singes marmousets. « À présent, j’ai des idées spécifiques sur ce à quoi pourrait ressembler le circuit neural en arrière-plan, et je vais concevoir des expériences » pour tester ces idées. Le problème, dit-il, est que « souvent, les gens font l’inverse : ils regardent la jolie technologie et disent « quelles questions je pourrais poser avec ça ? » Sa recommandation est donc d’étudier le comportement de l’animal d’abord, et d’en chercher ensuite les causes profondes dans le cerveau, plutôt que le contraire.

Pour le moment, les auteurs affirment qu’il serait plus difficile de publier des études sur le comportement dans les revues-phares des neurosciences : leurs auteurs se feraient reprocher qu’il n’y a « pas assez de neuro ».

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