ADN-genetique

Est-il possible que les trois quarts de notre ADN soient inutiles ? Après 20 ans d’un débat qui dit tantôt oui, tantôt non, une nouvelle étude fait pencher le balancier vers l’inutile.

L’expression « ADN poubelle » (junk DNA) a beau s’être invitée dans le langage courant, beaucoup de généticiens la dénoncent comme exagérée : il est trop tôt, disent-ils pour qualifier ces gènes d'inutiles. Ces chercheurs préfèrent parler d'ADN non codant : ce sont des gènes qui ne produisent pas de protéines et dont on ignore pour l'instant la fonction. Peut-être s’agit-il de gènes endormis en attente d’un besoin qui ne s’est pas présenté. Ou de gènes qui remplissent bel et bien une fonction, mais invisibles à nos yeux parce qu’elle se manifeste uniquement en relation avec les gènes qui, eux, sont vraiment actifs. Le problème avec cette dernière hypothèse est que bien qu’il soit effectivement établi qu’il existe des gènes « non codants » travaillant en relation avec les autres, ceux-ci ne représentent que 10 % du total de « l’ADN-poubelle » — un fait établi depuis le début des années 1970. Autrement dit, 90 % n’encodent pas de protéine ni ne semblent collaborer à quoi que ce soit.

En 2012, une étude semblait donner raison à ceux qui rejetaient l’idée qu’une aussi grande partie de notre génome puisse être inutile. Selon le consortium international ENCODE, réunissant des chercheurs sur le génome humain, jusqu’à 80 % des gènes humains seraient « fonctionnels ». Mais l’autre camp n’a pas baissé les bras depuis : à leur avis, ENCODE ne serait arrivé à ce chiffre qu’en donnant à « fonctionnel » la définition la plus large possible. Les véritables critères, selon Dan Graur, de l’Université de Houston, devraient êtres : une séquence génétique a-t-elle évolué pour devenir « utile », et une mutation de cette séquence pourrait-elle avoir un impact négatif. 

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Son argument des mutations avait en fait pour but, en 2012, de pousser la réflexion un cran plus loin : sachant qu’avec chaque nouvelle génération, des mutations peuvent apparaître chez le futur bébé — résultat aléatoire de radiations cosmiques ou d’erreurs de copie au niveau cellulaire — si 80 % de nos gènes étaient vraiment fonctionnels, ces mutations auraient des impacts négatifs en quantité inquiétante. C’est en partant de cette logique que Dan Graur et son équipe ont tenté de calculer le nombre d’enfants qui seraient nécessaires par couple… afin de surmonter les dégâts causés par ces mutations. Le nombre est au-delà de la portée de n’importe quel couple. En fonction de ce calcul, et en tenant compte du taux de reproduction de notre espèce, Dan Graur conclut dans Genome Biology and Evolution que la proportion de notre ADN qui est « fonctionnelle » se situe entre 8 et 14 %.

L’argument de Graur souffre lui-même d’un problème de définition. Qu’est-ce qu’une mutation négative ? Au-delà de celles qui réduisent à coup sûr l’espérance de vie de l’enfant ou le laissent lourdement handicapé, les généticiens ont encore du chemin à faire pour évaluer l’impact des mutations sur n’importe quel gène.

Mais son argument peut contribuer à réunir les deux camps autour d’un objectif commun : dans cette chasse à la compréhension de tous les morceaux de notre génome, on pourrait gagner beaucoup de temps en concentrant les efforts sur la partie du génome dont tout le monde s’entend pour dire qu’elle est fonctionnelle et utile.

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