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Entre partys de bureau et réunions de famille, la période des Fêtes n’apporte pas juste de la joie et des cadeaux. L’isolement, le mal de vivre, les soucis financiers et familiaux, surgissent sous le sapin. Entre stress et dépression, cette période pèse lourd sur les épaules de nombreuses personnes.

En commençant par la solitude, qui agit sur notre corps un peu comme « l’attaque d’un tigre aux dents de sabre qui n’arrive jamais », mais auquel notre système immunitaire se prépare, décrivait le neurosociologue John Cacioppo dans un récent article du New Scientist (l’accès est payant, mais on peut lire ici combien cette épidémie moderne affecte notre santé et notre longévité).

« La solitude n’est pas forcément synonyme d’isolement. On peut se sentir seul au sein d’une grosse famille », ajoute Christine Grou, la directrice de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ).

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De plus, nous avons beau être des créatures foncièrement grégaires, la perception de notre isolement varie d’une personne à l’autre. Une méta-analyse de 150 études révélait à cet effet, en 2010, qu’une pauvre qualité de relations sociales avait le même effet négatif sur le risque de mortalité que le tabac, l’alcool et l’obésité.

Noël, une fête stressante ?

C’est pourquoi la frénésie du temps des Fêtes est exigeante physiquement et psychologiquement. C’est l’heure des retrouvailles et — parfois — des tensions familiales, ajoutées au manque de sommeil et aux excès de table et d’alcool, qui peuvent jouer au yoyo avec la santé psychologique.

« Il y a le stress lié à la quête de l’idéal, pour trouver les bons cadeaux qui rendront tout le monde content. Le stress temporel, lié à la course contre la montre, celui de la volonté d’harmonie, celui des obligations (ménage, préparation des repas), celui des conflits à gérer et des deuils à faire », détaille la psychologue Christine Grou. Cette pression qu’ajoutent les fêtes de Noël, le psychologue français Sébastien Dupont la nomme la « contrainte rituelle ».

« La période de Noël provoquerait un stress ressemblant au changement de travail », interprète pour sa part la chercheuse du Centre d’études sur le stress humain à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, Catherine Raymond.

Selon elle, il existe chez tout être humain deux types de stress : le premier, « absolu », représente une menace réelle (la voiture qui nous fonce dessus, par exemple). Le second est « relatif » et provient de notre interprétation de la situation nouvelle. Dans le cas particulier des Fêtes, la chercheuse explique que ce stress surgirait de quatre ingrédients, qu’elle nomme C.I.N.É : absence de Contrôle, Imprévisibilité, Nouveauté et Égo menacé.

Plus il y a d’ingrédients actifs, plus le stress est grand. « Lorsque l’anxiété sociale se conjugue avec d’innombrables invités et cadeaux, la visite de la belle-famille, le manque de temps, parfois d’argent, la peur des commentaires… le cerveau n’est pas à la fête et gère de l’anxiété », soutient Catherine Raymond.

Mais quel que soit le type de stress, l’impact physiologique est le même. Lors de la perception d’un « danger », le cerveau sécrète des hormones (adrénaline, cortisol) destinées à alerter notre corps. Ce qui entraine, à court terme, l’arrêt de la digestion (et parfois des maux de ventre), de la sudation, des frissons, suivi d’effets cognitifs : difficultés de concentration, ruminations.

Et ce stress peut être contagieux, c’est-à-dire se transmettre à d’autres membres de la réunion de famille. Cette contagion du stress appelée aussi résonance, est actuellement sous la loupe du Centre d’études sur le stress humain. « Ce que nous savons, c’est que plus l’individu stressé est proche de nous, plus il résonne chez nous. Mais même le stress d’un étranger peut être en partie communicatif », explique Catherine Raymond.

Quand réveillon rime avec dépression

Par ailleurs, une personne qui serait déjà sujette à la dépression est encore plus susceptible d’avoir des difficultés à traverser la période des Fêtes. On sait que près d’un Québécois sur 7 fera un épisode de dépression au cours de sa vie : 15 % des femmes et 16,7 % des hommes en 2012, selon les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec. L’hiver, avec son manque de lumière, serait même responsable de dépressions saisonnières chez 3 % de la population — majoritairement des femmes.

Les festivités n’engendrent toutefois pas de dépression, mais « cela peut exacerber et aggraver les symptômes déjà présents », relève la psychologue Christine Grou.

Par exemple, l’illusion rattachée à Noël et entretenue par les médias et les réseaux sociaux — tout paraît plus beau, plus riche, plus heureux autour de nous — ajoute à la pression que peut subir une personne, soutient-elle. « La réalité est souvent tout autre et plus complexe. Et ce n’est pas si simple de composer avec les familles recomposées, les conflits et le manque d’argent et de temps ».

Ces illusions peuvent donc elles aussi contribuer à alimenter un état dépressif latent. Pour les personnes malades, Noël sera une journée de maladie comme les autres. « Si l’on se sent dépressif, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide et aller consulter », conclut Mme Grou.

L’Ordre des psychologues du Québec lance d’ailleurs une campagne Web destinée à sensibiliser la population à la détresse psychologique qu’il est possible de ressentir durant le temps des Fêtes. « Ces bannières Web mèneront les internautes vers la page dont l’objectif est notamment d’informer la population sur quand une aide psychologique peut être nécessaire », explique le relationniste de l’OPQ, François Van Hoenacker.

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