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S’allier à d’autres médias pour lutter contre les fausses nouvelles : une initiative qui a permis au journal Le Monde d’élargir son audience et d’obtenir une plus grande portée des nouvelles les plus importantes. Il s’agissait d’une collaboration avec 32 autres salles de rédaction pendant les élections françaises de l’an dernier.

C’est l’une des avenues qui a été proposée lors d’un atelier sur les fake news et le fact-checking — son utilité publique et ses limites — aux 11e Assises du journalisme de Tours qui se déroulaient du 14 au 17 mars.

L’initiative en question s’appelait Crosscheck : une plateforme de vérification des faits qui a rassemblé plus de 100 journalistes de 33 médias. Selon le bilan de cette expérience, publié en novembre 2017, cette alliance de médias semble avoir redoré le blason des entreprises de presse en renforçant dans le public les perceptions d’objectivité, de neutralité et de fiabilité.

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Pour Alex Pouchard des Décodeurs (la rubrique de vérification des faits du journal Le Monde), cette collaboration a permis de rejoindre un public plus large que ne l’aurait fait un média à lui seul.

Un avantage crucial quand on sait qu’il faut au moins 12 heures pour démentir une fausse nouvelle, selon Divina Frau-Meigs, membre du groupe d’experts sur les « fake news » de la Commission européenne et professeure à la Sorbonne. Résultat : cette fausse information a le champ libre pour se disséminer partout sur la toile avant d’être infirmée. D’où l’importance de faire voyager la correction le plus rapidement possible à l’audience la plus large.

Une responsabilité sociale

« Avec les réseaux sociaux, on devient tous des médias qui diffusent et partagent. C’est que le partage n’est pas un geste anodin. C’est une responsabilité qui peut avoir un impact sur la vie des gens », remarque Alexandre Pouchard des Décodeurs, citant au passage ce faux article abondamment partagé racontant qu’une infirmière aurait échangé plus de 9000 bébés dans les maternités — causant une commotion chez plusieurs parents qui ont relayé l’article sur les réseaux sociaux. Cela révèle d’ailleurs l’une des grandes forces des fausses nouvelles, a-t-il ajouté : les émotions qu’elles suscitent et qui entraînent automatiquement une baisse de vigilance chez le lecteur.

Ces vérificateurs de faits professionnels insistent pourtant pour que les journalistes fassent comprendre au public qu’il n’est pas besoin d’être un expert pour reconnaitre une fausse nouvelle. Le premier réflexe que tout citoyen devrait avoir est de croiser les sources et de voir si l’information a été publiée ailleurs. Si non, vaut mieux s’abstenir de partager. Si l’on a un doute sur l’authenticité d’une vidéo, on peut aussi vérifier les commentaires sous les vidéos. « On peut se fier à l’intelligence collective des médias sociaux. Parfois, les gens mettent des liens vers l’endroit où la vidéo a déjà été publiée », explique Julien Pain, de Franceinfo. Pour ceux qui sont plus à l’aise avec les technologies, Google offre un outil de recherche d’image inversée, moyen simple de vérifier si les images existent ailleurs sur le Web et quand elles ont été publiées la première fois.

Vers un journalisme de certification ?

L’objectif des vérificateurs de faits : alerter ceux pour qui les réseaux sociaux sont la principale source d’informations. « Les fact-checkers n'arriveront pas à convaincre les convaincus. Par contre, leurs interventions ont le mérite d'alerter les gens qui s'informent à partir des réseaux sociaux. Cette majorité silencieuse ne like pas, ne commente pas, mais est tout de même alertée par leurs articles de vérification », constate Romain Badouard, auteur du livre Le Désenchantement de l’Internet : désinformation, rumeur et propagande.

Et tous les intervenants se sont entendus pour dire qu’une partie de la réponse, dans la lutte à la désinformation, passe par l’éducation aux médias. « Si les gens sont prêts à croire que la vérité est ailleurs, c’est parce qu’ils n’ont plus confiance dans les médias traditionnels », estime Nikos Smyrnaios, coordonnateur du rapport sur l’expérience CrossCheck.

Si les lecteurs pouvaient comprendre le processus de vérification des faits suivi par les journalistes, cela renforcerait inévitablement leur confiance à l’égard des médias, estiment les panélistes.

Après le journalisme de vérification, verra-t-on apparaître le journalisme de certification ? Parce que « comprendre le processus » peut conduire à cela : en offrant plus de transparence sur les méthodes de travail, les journalistes pourraient alors « certifier » la qualité de leur travail. Cette idée est née de la prise de conscience de la méconnaissance de la façon dont les journalistes travaillent. « La montée de la désinformation a été une énorme claque. Ça a révélé le fossé entre citoyens et journalistes », constate Grégoire LeMarchand, en charge des réseaux sociaux à l’Agence France-Presse (AFP).

 

**Le déplacement en France de la journaliste Laurie Noreau a été rendu possible grâce aux Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ).

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