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Ce squelette à l’allure étrange, originaire du Chili, était-il celui d’un extraterrestre ? Non, c’est « seulement » une enfant, décédée à sa naissance il y a quelques dizaines d’années. Ce non-mystère résolu le 22 mars grâce à la génétique s’est toutefois transformé en une controverse sur l’appropriation des restes humains et le droit à la préservation des sépultures.

« C’est offensant pour cette fillette, pour sa famille et pour le patrimoine du Chili », résume Francisca Santana-Sagredo, biologiste et anthropologue à l’Université d’Antofagasta. Elle avait été enterrée dans un village aujourd’hui abandonné du désert de l’Atacama, appelé La Noria. Et les conditions environnementales — l’endroit le plus sec du monde — ont contribué à la momification naturelle du corps. Selon ce qu’ont raconté les médias chiliens, c’est un chasseur de trésors qui l’aurait déterrée en 2003 — elle et sans doute d’autres — puis vendue à un collectionneur pour la somme de 40 euros, en raison des étrangetés de son anatomie. Lequel collectionneur l’a revendue à un collectionneur espagnol. De là, les médias se sont emparés de l’histoire, puis ceux qui voient des traces de visites extraterrestres un peu partout, puis les scientifiques.

 

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C’est pourtant depuis 2013 qu’on savait qu’elle était bel et bien humaine : les auteurs d’un documentaire sur cette fillette avaient fait faire un test génétique qui avait établi qu’elle était de descendance chilienne. L’étude parue le 22 mars dernier dans la revue Genome Research ne fait donc que confirmer ce fait, quoique l’analyse plus en profondeur du génome permette en même temps d’expliquer les malformations du squelette qui avaient tant intrigué.

 

Mais au Chili, la réaction a été différente. « L’article ne fait aucune mention de l’existence d’une autorisation ou d’une considération éthique quant à l’utilisation d’un corps humain à des fins scientifiques ou de recherche », s’indigne l’écologiste Cristina Norador dans le média chilien Etilmercurio. Et d’ajouter que « comme plusieurs autres pays, les restes humains et les artefacts historiques sont protégés par la loi, au Chili ».

L’article scientifique a eu un impact international, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les manchettes ont répété que « le mystère de l’extraterrestre de l’Atacama a été résolu » ou que « l’ADN du faux extraterrestre de l’Atacama a révélé ses secrets ». Rien n’a été dit du fait que c’était l’histoire tragique d’une fillette, née de parents chiliens qui l’ont enterrée à côté d’une église abandonnée. Aucune attention n’a été apportée à l’éthique d’une importante équipe de scientifiques qui entreprend une étude sur une enfant obtenue sans permission légale.

Dans un communiqué accompagnant la publication, l’un des auteurs admettait que le squelette devrait à présent être retourné dans son pays d’origine et inhumé suivant les coutumes de son peuple. Devant la controverse, les auteurs ont dû réagir, alléguant qu’ils ignoraient que ce squelette avait été obtenu illégalement, et que leur recherche n’était que la dernière d’une longue liste depuis une quinzaine d’années, sans que les autorités chiliennes n’aient apparemment protesté ou enquêté jusqu’à ce mois-ci. Dans un communiqué publié mercredi, la Société des biologistes anthropologues chiliens pose la question en termes différents : « pourriez-vous imaginer la même étude utilisant le corps d’un enfant mort-né en Europe ou en Amérique ? »

 

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