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Au détour d’une rue, des élagueurs travaillent à la coupe des arbres urbains. Pour dégager les fils électriques, ils taillent parfois sans ménagement, enlaidissant érables et frênes. La biologiste Jeanne Millet, spécialiste en architecture des arbres, propose dans son dernier livre de revoir complètement notre conception de cette coupe.

Pour celle qui enseigne à l’Université de Montréal, tous les arbres poussent selon des modèles identifiables. Ils ont une architecture. « Ainsi, on peut dire comment ils vont réagir à la coupe », détaillait-elle lors d’un Cabaret scientifique donné à la Maison de la culture Maisonneuve, le 12 avril.

Normes d’élagage contre-nature

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Jeanne Millet remet en cause les normes d’éloignement des câbles imposées par Hydro-Québec, incompatibles avec une croissance naturelle des arbres, quelle que soit l’espèce. L’érable argenté par exemple, particulièrement présent à Montréal, pousse naturellement en fourche. Cette fourche forme deux troncs, solides et inoffensifs pour les éventuels fils qui passeraient au milieu. Mais encore faut-il que les élagueurs lui en laissent le temps.

Or, les « coupes drastiques », réalisées à plusieurs années d’intervalles, perturbent le fonctionnement de l’arbre et vont stimuler chez lui des réactions de croissance anarchique (photo ci-haut), explique la chercheuse. Pire, avec ces normes d’élagage, les repousses sont de plus en plus vivaces, l’arbre tentant sans cesse de retrouver son schéma naturel.

L’arbre fait des réserves d’amidon

La cause : à l’endroit de la coupe, l’arbre stocke de l’amidon pour relancer une nouvelle pousse. Ce phénomène est particulièrement observable en Europe, notamment en France, sur les tilleuls urbains : ceux-ci sont coupés « en têtes de chat ».

 

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Photo tilleul : Jac Boutaud

 

À la cime de chaque tronc taillé se forme une boule d’amidon, qui va générer une multitude de branches, qui seront élaguées à la saison suivante. Cette pratique, née au Moyen Âge pour produire du petit bois, perdure par tradition.

 

Les arbres québécois font eux aussi des réserves d’amidon à l’endroit de la coupe. Apparaît alors « comme un nouveau tronc qui pousserait sur un tronc mort », explique Jeanne Millet. Plus on coupe, plus il y aura d’éléments de fourche. »

 

La solution serait, selon elle, de laisser aux érables argentés et autres feuillus le temps de pousser afin de former leur unique fourche. En attendant, les fils pourraient être protégés et l’arbre aidé avec des tuteurs. Hydro-Québec dépense chaque année entre 50 et 60 millions $ pour couper les arbres et dégager les fils. Une telle solution coûterait certainement plus cher, car l’entretien serait plus fréquent. Mais elle permettrait de conserver des arbres à grand déploiement dans les rues des villes.

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