rechauffement-Terre-2010-2014

Le plus récent rapport du GIEC était à peine publié, dimanche soir, que les « anti-GIEC » s’empressaient de le balayer du revers de la main. Selon ses détracteurs, cet organisme serait « une secte » au service des « écolos », ses conclusions seraient orientées par les politiciens, il refuserait le débat sur les changements climatiques, etc. Le Détecteur de rumeurs remet les choses en perspective.


Cet article fait partie de notre rubrique de vérification des faits, Le Détecteur de rumeursLes autres textes sont ici.


Est-ce un rapport régulier du GIEC ? Non

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Le rapport de 400 pages déposé dimanche par des scientifiques et par les représentants des gouvernements, compare les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré avec les conséquences d’un réchauffement de 2 degrés.

C’est une commande spéciale, différente de ce qu’on appelle communément, depuis deux décennies, « les rapports du GIEC » (Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat). Ceux-ci se divisent chaque fois en trois volumes : l’état de la science du climat, « Impacts, adaptations et vulnérabilité », et l'atténuation des changements climatiques. La plus récente édition, en 2014, dont les trois volumes totalisaient 2500 pages, était la cinquième de l’histoire du GIEC.

Le rapport dont il est question cette semaine est plutôt une commande née de l’Accord de Paris, en décembre 2015 : plusieurs États, dont ceux des îles du Pacifique, ont exigé qu’au lieu de se contenter de viser une augmentation maximale de deux degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle, on vise un degré et demi. Cette cible a obligé plusieurs chercheurs à s’ajuster : leurs travaux portaient surtout, jusque-là, sur les impacts d’une augmentation de deux degrés — ce qui semble d’autant plus logique que, dans les faits, par rapport à l’ère préindustrielle, la planète a d’ores et déjà progressé d’un degré.

Il fut donc décidé que le GIEC aurait pour mandat de pondre « un rapport spécial » : quel est l’état des connaissances sur l’impact d’un réchauffement d’un degré et demi par rapport à deux degrés, et qu’est-ce que la science peut nous apprendre sur les façons d’empêcher ce réchauffement de dépasser l’une ou l’autre de ces cibles.

Est-ce une nouvelle recherche scientifique ? Non

Le GIEC, qui est un organisme qui relève de l'Organisation des Nations Unies (ONU), ne fait pas, en général, de recherches scientifiques : les auteurs ne vont pas récolter des sédiments au fond des mers ou des carottes de glace au Groenland. Ils font ce qu’on appelle des méta-analyses, c’est-à-dire des synthèses de ce qui existe déjà dans la littérature scientifique. En l’occurrence, dans le cas du document déposé dimanche soir, 91 chercheurs de 40 pays ont épluché 6000 études parues ces dernières années — dont les plus récentes sont parues ce printemps.

Est-ce un rapport influencé par les politiques ? Oui et non

Écrire sur les conséquences d’une augmentation qui serait limitée à un degré et demi ou à deux degrés, suppose qu’on imagine aussi les scénarios par lesquels on serait capable, ou non, de limiter cette augmentation. Et c’est là que ça se complique. Réunis à huis clos toute la semaine dernière à Incheon en Corée du Sud, scientifiques et représentants des 195 pays membres de l’ONU ont dû s’entendre, ligne par ligne, sur la « version courte » du rapport, soit le « résumé pour les décideurs » de 33 pages. Comme il contient des pistes de solution, donc des recommandations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, certains gouvernements sont moins enclins que d’autres à endosser des paragraphes qui mettraient trop l’emphase sur certaines actions.

On savait ainsi depuis quelques semaines que les États-Unis et l’Arabie Saoudite étaient les plus désireux « d’édulcorer » le langage. Autrement dit, la façon de formuler les recommandations ou les constats les plus pessimistes a pu être atténuée : par exemple, selon une version antérieure du rapport qui a circulé en juin, on serait passé d’un constat voulant qu’il sera pratiquement impossible de limiter le réchauffement à un degré et demi, à un constat voulant que ce sera difficile.

Toutefois, selon le média spécialisé E&E News (Energy & Environment), les représentants des gouvernements n’auraient pas le dernier mot : les révisions proposées devaient être acceptées par les 91 scientifiques auteurs pour qu’elles figurent dans la version finale.

Y a-t-il des consensus ? Oui

  • Tout le monde s’est entendu sur le fait que la barre du degré et demi d’augmentation sera franchie entre 2030 et 2050, si la tendance actuelle se maintient.
  • Et que la barre des deux degrés sera franchie avant 2100, si les pays se contentent des cibles fixées dans l’Accord de Paris.
  • Tous les scénarios visant à bloquer cette augmentation à 1,5 degré nécessitent de très gros investissements : un calcul contenu dans la section « Renforcer la réponse globale » fait état de 2400 milliards de dollars (US) par année pour la période 2016-2035, ce qui est neuf fois plus que ce que tous les pays ont dépensé l’an dernier en nouvelles énergies renouvelables. Exprimé autrement, c’est 2,5 % du PNB mondial.
  • Passer à deux degrés détruirait 13 % des écosystèmes terrestres. Un degré et demi réduirait ce risque de moitié.
  • La différence entre un réchauffement de « seulement » 1,5 degré par rapport à un réchauffement de 2 degrés se traduit en dizaine de millions de personnes qui n’ont pas à être déplacées à cause de la hausse du niveau de la mer, et en centaines de millions de personnes qui sont sauvées d’une « situation d’extrême pauvreté liée au climat ».

Un message qui n’est pas dans le rapport ?

« Limiter le réchauffement à un degré et demi est compatible avec les lois de la chimie et de la physique, mais y arriver nécessitera des changements sans précédent », a déclaré, non pas dans le rapport, mais lors de la conférence de presse de dimanche soir, le co-directeur du groupe de travail, Jim Skea.

Je donne