Clones à la Une
(ASP) - Ce nétait pas seulement
du clonage humain qui était annoncé la
semaine dernière. Cétait avant
tout un coup de marketing de la part de la compagnie
américaine Advanced Cell Technology (ACT): car
tout ce qui a été obtenu en effet, ce
sont des embryons de cinq jours composés dun
maximum de six cellules, lesquels sont tous morts avant
davoir dépassé ce stade -soit avant
davoir pu produire les fameuses cellules-souches,
ce à quoi ils étaient pourtant censés
servir.
Cela, tous les experts en embryologie
lont rapidement noté. Mais avant quils
ne prennent la parole, il a fallu 24 heures, et ce laps
de temps a largement suffi à la nouvelle pour
faire le tour du monde.
Après cinq jours de croissance,
sest par exemple insurgé, depuis lEcosse,
Ian Wilmut, le "père" de la brebis
clonée Dolly, ces embryons auraient dû
être composés de 60 cellules, et non de
seulement six. Ce qui indique que quelque chose a très
mal fonctionné dans lexpérience
dACT -et une lecture de leur recherche, parue
dans le Journal of Regenerative Medicine, révèle
qu'ils ne savent même pas ce qui a mal tourné.
Mais cétait là un
"détail" qui importait peu, lorsque
la nouvelle est sortie ce dimanche-là, chapeautée
du titre "clonage humain": comment
ne pouvions-nous pas sauter sur cette histoire,
spécialement pendant la période des cotes
découte de novembre, a justifié
dans le Buffalo News un professeur de journalisme
de lUniversité du Missouri. "Cétait
une campagne de relations publiques", s'indigne
Arthur Caplan, directeur du Centre de bioéthique
à lUniversité de Pennsylvanie. "Cétait
destiné aux investisseurs, et non aux scientifiques."
Pire encore, le fait que lhistoire
sorte un dimanche et le dimanche de lAction
de grâces, en plus- était apparemment délibéré:
journée plus maigre en nouvelles, qui rend les
salles de rédaction moins susceptibles de se
lancer dans de difficiles vérifications; les
journalistes scientifiques sont tous absents; et les
biologistes qui pourraient commenter sont introuvables.
Le président dACT, Michael
West, qui a enfilé des entrevues sans interruption
ce jour-là, ne sen est pas caché,
lorsquinterrogé par le New York Times :
cette recherche a été soumise au Journal
of Regenerative Medicine, parce quil sagit
dune de ces revues scientifiques qui se contente
de publier les recherches sans véritablement
les contrôler (ce qui permet au chercheur dassurer
sa paternité sur une découverte), au contraire
de revues plus prestigieuses comme Science ou
Nature, qui soumettent toute recherche à
un comité dexperts.
Les journalistes auraient-ils pu agir
différemment? Chose certaine, reprend Arthur
Caplan, ils devraient être conscients quune
histoire comme celle-là, même si elle ne
contient rien de faux, peut avoir pour but de les utiliser
afin dattirer les investisseurs vers une compagnie
qui a bien besoin d'argent. "Il y a beaucoup dautres
grosses histoires comme celle-là. Je crois que
la biologie va être lévénement
majeur du XXIe siècle. Et les médias doivent
se donner pour mission de mieux couvrir la science,
la technologie et la médecine, ou ceci va se
produire encore et encore."
Pascal Lapointe