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Le 5 décembre 2001



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Comment réussir le plus gros coup de marketing de la décennie

(ASP) - Ces dernières années, on a souvent accusé, non sans raisons, les journalistes spécialisés en technologie d’avoir monté aux nues des inventions qui n’en valaient pas la peine, juste parce que leur créateur était fort en marketing —ou, pire encore, juste parce que d’autres journalistes avaient dit que l’innovation en valait la peine.

Mais avec un bidule appelé IT, puis Ginger, finalement dévoilé cette semaine -un genre de scooter-planche à roulettes-motorisé- on a atteint les sommets du ridicule : voici une invention ultra-secrète, si secrète... que personne, pendant près d'un an, ne l’avait encore vue. Ce qui n’a pas empêché, l'hiver dernier, pendant deux mois, quelque 200 reportages annonçant qu’il s’agira de l’innovation technologique la plus révolutionnaire des dernières décennies, "plus révolutionnaire que l’Internet", selon l’expression qui était alors consacrée.

Tous ces reportages disaient de l’Américain Dean Kamen —un personnage qui, sans être une célébrité, est relativement connu dans les milieux américains spécialisés en hautes technologies- qu’il était sur le point de sortir quelque chose de " fabuleux ", quelque chose qui "bouleversera le paradigme" -quoi que ce soit que cela puisse vouloir dire. Et de qui venaient ces qualificatifs? Eh bien, pas d’observateurs indépendants qui auraient étudié sa création, mais d’une source plus ou moins anonyme, apparemment associée à l’éditeur qui s’apprêtait à publier le livre de Dean Kamen. Peut-être même l’agent littéraire de Dean Kamen. En d’autres temps et sous d’autres cieux, on appellerait ça un communiqué de presse...

Dans son édition d’avril, le magazine Brill’s Content rappelait le cas Transmeta, qui a frappé de honte quelques journalistes "techno" chez nos voisins du Sud. Le nom, comme celui de beaucoup d’autres firmes de la Silicon Valley, donnait à cette firme une allure vaguement futuriste, en 1995: mais ce qui distinguait Transmeta, c’était son côté secret. Seuls quelques initiés savaient sur quoi elle travaillait. Et cela, à cette époque où tout le monde ne jurait plus —aux Etats-Unis, du moins, pas encore au Québec ni en France- que par les compagnies de la "nouvelle économie", suffisait à attirer les investisseurs, avec cette conviction bien naïve que "secret" est synonyme de "important". L’aimant agissait aussi sur les journalistes, qui couvraient chaque rumeur émanant de Transmeta. Jusqu’en janvier 2000, lorsque le voile fut levé, et que Transmeta révéla ce sur quoi elle travaillait : une banale puce informatique. Qui devait être plus rapide que les autres, et qui se révéla, en définitive, un flop.

"A en juger par la façon dont IT a dominé les nouvelles en janvier, reprend Brill’s Content, les médias ont encore le désir de croire aux miracles."

Pour en revenir à l’histoire de ce IT donc, ou Ginger, c’est effectivement en janvier qu’elle a surgi dans l’univers médiatique. Elle est d’abord apparue dans la section "livres" du cyber-magazine américain Inside le 9 janvier: on y apprenait que l’éditeur de l’École de commerce de l’Université Harvard a payé 250 000$ pour un projet de livre sur une invention sans nom, ultra-secrète, à l’usage indéfini, décrite par ses promoteurs —évidemment- comme extraordinaire et "plus importante qu’Internet". L’article y ajoutait des spéculations : s’agit-il d’une nouvelle source d’énergie? d’un téléporteur à la Star Trek? d’un hydroglisseur?

Or, ces spéculations allaient ensuite être reprises, mot pour mot, dans deux centaines d’articles —et tout cela, avec une seule et unique base: le projet de livre, tel que rédigé par l’auteur (ou son agent). Le fait que la nouvelle soit d’abord sortie dans une publication comme Inside, destinée à une certaine élite intellectuelle, a contribué à lui donner encore plus d’importance —un détail qui, est-il besoin de le souligner, est souvent prémédité, quand on veut lancer une campagne promotionnelle.

Comme quoi Inside est effectivement très lu par une certaine élite journalistique, trois jours après la sortie de cet article, le journaliste d’Inside, PJ Mark, était apparu à une demi-douzaine d’émissions télévisées, vite accompagné d’un journaliste de Wired qui, lui, avait publié en septembre un portrait flatteur de Dean Kamen. Le reste fit tant et si bien boule de neige dans la communauté des internautes les plus mordus qu’au cours de la semaine précédant le Super Bowl, Dean Kamen, 50 ans, était l’objet de davantage de requêtes dans les moteurs de recherche d’Internet que la ligue nationale de football.

Des pages web furent créés, les spéculations se multiplièrent, alimentant elles-mêmes de nouveaux articles qui alimentèrent de nouvelles spéculations qui alimentèrent de nouveaux articles...

Et pourtant, deux mois plus tard, à la mi-mars, il n’y avait toujours personne capable de dire ce que c’était que cette "invention", ni même si elle était construite, encore moins pour dire si le tout était fiable. Personne en position d’autorité pour corroborer ce que, à ce jour, seule une personne pas désintéressée du tout a voulu laisser croire.

Un bon exemple à suivre pour les futurs relationnistes?

Pascal Lapointe

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