Ben Laden à l'âge atomique
(ASP) - Vous voulez une inquiétude
de plus pour ajouter à celles qui sempilent
depuis le 11 septembre? Que diriez-vous dun avion
de ligne qui sécraserait sur une centrale
nucléaire? Ou dun ben Laden disposant de
matériel radioactif ?
Lalerte est venue daussi haut
quil lui était possible de venir: lAgence
internationale de lénergie atomique, ce
"chien de garde" international de lusage
qui est fait de latome à travers le monde,
et qui relève des Nations Unies. Au cours dune
rencontre spéciale sur le terrorisme nucléaire
organisée vendredi, le 1er novembre,
lAgence a appelé les pays du monde à
renforcer
considérablement la sécurité autour
de leurs centrales nucléaires, au cas où
des terroristes décideraient den faire
leurs prochaines cibles.
Et il ny a pas que le risque dattentat
sur une centrale nucléaire qui préoccupe
lAIEA: il y a aussi la possibilité quun
groupe terroriste ne se procure du matériel radioactif,
non pas tant pour se fabriquer une bombe atomique (beaucoup
plus difficile à faire quon ne limagine),
mais pour mêler ce matériel radioactif
à une bombe "classique", et ainsi,
provoquer de quoi contaminer toute une région.
On appelle ça, allez savoir pourquoi, une "bombe
sale".
La sécurité sur certains
sites nucléaires est épouvantablement
faible, prévient lAIEA. Déjà,
comme nous lécrivions ici,
la France avait annoncé quelle protégerait
les abords de ces centrales avec rien de moins que des
batteries de missiles. Les États-Unis ont interdit
tout survol des 103 centrales éparpillées
sur leur territoire. En Grande-Bretagne, il y a deux
semaines, des avions de chasse se sont mis à
patrouiller autour de la centrale Sellafield, dans le
Nord-Ouest de lAngleterre, après un message
téléphonique anonyme prévenant
dun attentat.
Mais que se passerait-il vraiment si un
avion semblable à ceux qui ont percuté
les tours du World Trade Center percutait une centrale
nucléaire? Interrogé par la BBC, Ed Lyman,
directeur scientifique de lInstitut du contrôle
nucléaire, reconnaît que ces centrales,
bien que construites à lépreuve
des tremblements de terre de haute intensité,
nont
jamais été conçues pour résister
à un pareil choc. Ce qui ne veut pas dire
pour autant quon assisterait à un holocauste
nucléaire: des études sont en cours aux
Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour évaluer
ce qui se serait passé si un tel avion kamikaze
sétait écrasé; les résultats
préliminaires démontrent que léchappée
radioactive serait moins "spectaculaire" que
ce qui sest produit à Tchernobyl. Tout
dépend de langle de chute de lavion
et de lendroit visé.
Guère plus rassurant est le scénario
également privilégié par lAIEA,
celui du vol de matériel radioactif. On en utilise
beaucoup à des fins médicales ou industrielles,
et la sécurité, dans ces cas-là,
est encore pire quautour des centrales nucléaires.
"Les effets dune bombe sale ne seraient pas
dévastateurs en vies humaines", mais la
contamination, par des quantités mêmes
minimes de substances radioactives, pourrait avoir des
impacts physiques et psychologiques, résume le
porte-parole de lAIEA, Abel Gonzalez. Les effets
sur la santé, résume Libération,
dépendent "de la puissance
de lexplosif, de la nature de l'isotope et du
nombre de personnes à proximité..."
Les gens qui seraient tués le seraient par la
bombe conventionnelle elle-même, mais pas par
la radioactivité. "Il faut savoir qu'il
faut une énorme dose de radioactivité
pour provoquer la mort. Au pire, la radioactivité
pourrait provoquer des nausées. En revanche,
dans la zone de l'explosion, il faudrait beaucoup de
temps et d'argent pour décontaminer. Mais l'objectif
terroriste d'une telle bombe est de provoquer la panique. "
Et là, on na même pas
évoqué le scénario ultime, la possibilité
dune vraie bombe atomique. Scénario très
peu vraisemblable, mais néanmoins horrifiant.
"Nous avons des indications selon lesquelles le
réseau Al-Qaeda a cherché à mettre
la main sur des matériaux nucléaires en
URSS pour les recycler dans une bombe", a affirmé
au cours de la rencontre du 1er novembre,
rapporte Libération, George Bunn, de l'université
américaine de Stanford.
Le conseil des gouverneurs de lAIEA
doit se réunir les 29 et 30 novembre à
Vienne pour proposer à ses 132 États membres
un "plan daction antiterroriste". Il
va avoir beaucoup à se mettre sous la dent...