Thérapie génique à la hausse
(ASP) - S'agit-il enfin du succès
que les promoteurs de la thérapie génique
attendent depuis 15 ans? Après des multitudes
d'échecs et de fausses pistes, après avoir
entraîné jusqu'à un décès
qui a plongé les artisans de ce secteur dans
une vive controverse il y a deux ans (voir
cet article), une équipe internationale affirme
avoir corrigé avec succès un gène
défectueux chez une souris.
On appelle ce mal la dépranocytose:
les globules rouges des gens qui en sont atteints ne
peuvent transporter convenablement l'oxygène
dans le sang, avec des conséquences désastreuses,
dont une forte anémie. Seul traitement possible:
une greffe de moelle osseuse -avec les risques énormes
de rejets que cela implique. Pas étonnant, dans
ces conditions, que la dépranocytose soit une
des cibles privilégiées des chercheurs
en thérapie génique -d'autant plus que
le gène défectueux a été
identifié il y a deux décennies.
Ce que cette équipe internationale
dirigée par le Français Philippe Leboulch,
de l'INSERM (Paris) et de l'École de médecine
de l'Université Harvard, a annoncé plus
tôt ce mois-ci dans la revue
Science, c'est une nouvelle méthode
de thérapie génique: l'introduction dans
la moelle épinière d'un "gène thérapeutique":
"une fois inséré à l'endroit voulu,
le gène en question s'attache aux cellules-souches
qui sont à l'origine des globules rouges". Dans
les deux modèles de souris -seulement deux- au
bout de 10 mois, le nouveau gène se serait activé
-exprimé, en langage scientifique- dans 99% des
globules rouges, empêchant chaque fois l'expression
de la maladie.
La dépranocytose, ou anémie
falciforme, est une maladie qui touche quelque 300 000
enfants chaque année. Cette maladie héréditaire
se retrouve statistiquement plus souvent -un enfant
sur 100- en Afrique subsaharienne, ou chez les enfants
de descendance africaine: jusqu'à un afro-américain
sur 13 est porteur d'un gène muté, mais
il faut que les deux parents en soient porteurs pour
qu'un enfant soit atteint.
Ceci dit, avant de parler de réel
succès pour la thérapie génique,
il y a encore bien du chemin à faire. "Plusieurs
obstacles doivent être surmontés avant
que la thérapie ne puisse être testée
chez les humains", prévient la revue
Science dès l'ouverture.