Semaine du 8 janvier 2001

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Qui a peur de l'uranium?


D
epuis la semaine dernière, les fils de presse internationaux bourdonnent d'une nouvelle expression : uranium appauvri. Mais qu'est-ce que c'est que ce truc et en quoi pourrait-il affecter la santé?


Que pensez-vous des dernières nouvelles
sur l'uranium appauvri?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito

 

A la deuxième question, personne n'a de réponse claire. Une revue des (très) nombreux articles publiés depuis la semaine dernière révèle en effet quelque chose de consternant: on peut tout savoir sur les réactions outrées des premiers ministres et ministres de la Défense français, belge, britannique, espagnol, italien, allemand, portugais, bosniaque, serbe, suédois, et même polonais -ils avaient eux aussi des troupes en Bosnie- mais rien, ou presque, sur ce qu'on sait des impacts sur la santé de cette substance.

Sauf quelques spéculations. En Italie, six décès (peut-être huit) des suites de leucémie chez les soldats qui ont servi dans les Balkans, dans le cadre des opérations de l'OTAN menées là-bas entre 1994 et 1999. En Belgique, neuf cas et cinq décès. En France, quatre soldats actuellement soignés; mais dans ce cas-ci, tous les quatre sont en état de rémission.

Etrangement, dans l'ex-Yougoslavie, où ont été déversées ces fameuses armes à uranium appauvri, rien à signaler, ni chez les centaines de milliers de civils ayant vécu dans les zones bombardées, ni chez les militaires. Et le Comité international de la Croix-Rouge a indiqué, vendredi le 5 janvier, que les tests effectués sur la trentaine de ses membres ayant travaillé au Kosovo n'ont rien révélé.

Seule information qui pourrait avoir son importance, mais qui n'a pas encore été creusée: les données yougoslaves, tout comme celles de la Croix-Rouge, portent sur les bombardements de 1999. Alors que les soldats décédés en Italie, eux, ont servi pendant les premiers bombardements, soit en 1994-95. Serait-il possible qu'il y ait une période de quelques années avant que le mal ne fasse sentir ses effets?


Quels effets ?

Mais de quels effets parle-t-on exactement ? Il faut d'abord rappeler quelque chose, au risque que cela paraisse évidente à certains lecteurs: contrairement à ce qu'on a pu lire dans des listes de discussion sur Internet et entendre sur les lignes ouvertes de la radio américaine, l'uranium appauvri et l'uranium tout court (l'uranium naturel, celui qu'on trouve, eh bien oui, dans la nature), ce n'est pas du tout la même chose. Personne n'a bombardé la Serbie à la bombe atomique. Ce qui a été déversé, ce sont des obus tout ce qu'il y a d'ordinaire, à ceci près qu'ils étaient renforcés par une couche d'uranium appauvri. Cette substance, très peu radioactive (deux fois moins que l'uranium naturel), est utilisée en raison de sa masse (plus d'une fois et demi celle du plomb), qui augmente la résistance des obus: ceux-ci peuvent donc mieux percer le blindage (par exemple, celui d'un char d'assaut) que les obus classiques.

S'ils sont si peu radioactifs, pourquoi s'en faire ? Entre autres, parce que l'uranium appauvri est ce qu'on appelle un métal lourd, comme le plomb. Et on sait déjà que le plomb peut avoir des effets néfastes sur la santé: il se fixe littéralement dans l'organisme et peu, à fortes doses, endommager les reins ou le foie.

Quel rapport avec la leucémie, appelée aussi cancer du sang? Aucun, à première vue. Les cas de leucémie peuvent-ils être statistiquement reliés à l'usage de cet uranium appauvri? Pas évident. Il n'est pas impossible, pour prendre le scénario optimiste, que l'on assiste depuis la semaine dernière à un syndrome du malade imaginaire où tous les maux attrapés par les soldats sont en voie d'être attribués à un seul coupable.

Certains experts prétendent que l'impact produit une grande quantité de poussière d'uranium et que c'est celle-ci qui, portée par les vents, est dangereuse. Une équipe des Nations Unies, dont l'étude doit être publié en mars, a mesuré cet automne la présence de radioactivité sur huit des 11 sites du Kosovo où des obus à uranium appauvri avaient été tirés. D'autres, comme un comité du gouvernement français publié en juin 1999, affirment que "pour qu'un volume suffisant de poussière (d'uranium appauvri) puisse être respiré, il faudrait être présent à côté du char lorsqu'il est détruit". Difficile d'être très près d'un char qui explose... et d'y survivre.

Environ 500 personnes ayant séjourné sur un site bombardé à l'uranium appauvri, dans le sud de la Serbie, ont été soumises à un examen médical qui n'a révélé aucune anomalie chez elles, a rapporté le 8 janvier l'agence locale Tanjug. Le site n'a pourtant jamais été décontaminé. Des médecins allemands doivent se rendre bientôt sur ce site pour prélever des échantillons chez quelques centaines de personnes et les analyser en laboratoire en Allemagne et au Canada, rapporte l'Agence France-Presse.

Dans un avis publié le 8 janvier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme ne pouvoir faire pour l'instant de recommandations sur l'uranium appauvri. "Tout ce que nous pouvons faire est d'identifier le problème. Il appartient ensuite aux autorités nationales de prendre les mesures qui leur semblent appropriées." En d'autres termes, pour l'OMS, il est trop tôt pour dire si l'usage de ces armes représente ou non un danger pour la santé.

Les nouvelles qui vont sortir dans les médias cette semaine risquent donc d'être davantage politiques que scientifiques: les Américains se verront reprocher par les Européens d'avoir utilisé cette arme, aussi bien en Irak en 1991 qu'en ex-Yougoslavie (10 000 munitions de ce type en 1994-95, et 31 000 obus en 1999) sans avoir prévenu leurs alliés des risques. Les armées française et britannique possèdent elles aussi ce type d'arme, mais toutes deux affirment ne jamais les avoir utilisées. L'Union européenne tente d'enlever à l'OTAN la direction de ce dossier. Mais en dépit d'une rencontre très médiatisée, le 9 janvier, du Comité politique et de sécurité, nouvelle institution commune de défense européenne, l'OTAN -ou plus exactement, en l'occurence, les Etats-Unis- ne semble pas prêt à infléchir sa position. Le Pentagone a d'ores et déjà rejeté l'idée de l'Italie d'imposer un moratoire sur ces munitions renforcées à l'uranium appauvri.

Mais les Américains seront sous pression pour libérer un maximum d'informations: cartes des sites bombardés, études médicales de l'armée, etc. C'est déjà ça de gagné.

 

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