L'événement de la semaine.


Pour tout trouver
sur Internet!


Tous les médias
en un clin d'oeil!


Nos nouvelles brèves
  
  


Notre chronique de
vulgarisation scientifique!


Plus de 1500 questions





Hommage à...
Le monde delon GOLDSTYN
La science ne vous interesse pas?
Dossiers
Promenades






semaine du 12 novembre 2001



David et les pilules de Goliath


David remportera-t-il une autre manche contre Goliath ? Cette semaine, rien n’est moins sûr, car il n’a pas beaucoup de cartes dans son jeu. Mais à long terme, il a beaucoup plus d’atouts dans sa manche.


Que pensez-vous de cette nouvelle?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito


La semaine en question, c’est celles des négociations sur des tas de sujets incompréhensibles au profane, qui sont actuellement en cours dans ce petit état arabe appelé le Qatar. L’enjeu de ces négociations, c'est le commerce international, et plus précisément une ouverture plus grande des frontières aux produits et services, d’où qu’ils viennent dans le monde. Mais parmi ces enjeux, il en est un qui apparaît quelque peu hors-norme, que les pays du Sud souhaiteraient voir à l’avant-scène mais qui embarrasse considérablement ceux du Nord : les médicaments.

Enjeu sensible, parce que de son avenir dépend la santé de centaines de millions de personnes. Voire, la différence entre la vie et la mort. Un pays, comme la Zambie, dont la population est décimée par le sida, peut-il financer un fabricant de chez lui pour fabriquer une copie moins chère du médicament anti-sida, sans se faire poursuivre par le fabricant du médicament original, pour violation du droit d’auteur? Et que dire de la tuberculose et de la malaria, qui tuent elles aussi beaucoup plus au Sud qu’au Nord, et à propos desquelles bien des vies pourraient être sauvées si les médicaments —qui existent- étaient moins coûteux ?

Or, si les pays du Sud partent perdant cette semaine, c’est parce que les enjeux de cette conférence interministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Doha, au Qatar, se déroulent sur un tout autre plan : on y parle nouveau cycle de négociations commerciales, investissements, concurrence... Donner l’autorisation à un pays d’utiliser des fonds publics pour fabriquer un médicament moins cher, et de ce fait, limiter au médicament original l’accès au marché de ce pays, entre en contradiction flagrante avec ce pour quoi 142 pays se sont réunis au Qatar -ou à Seattle, il y a deux ans. Au royaume du libre-marché, le petit David n’a aucune chance contre le géant Goliath.

Mais à long terme, les pays du Sud ont beaucoup plus d’atouts dans leur manche. Si l’OMC a créé un groupe de travail sur les brevets pharmaceutiques, et si les médias ont parlé de ce comité pourtant modeste, c’est parce que depuis deux ans, l’indignation internationale a atteint un sommet. L’hiver dernier, les compagnies pharmaceutiques ont dû abandonner leurs poursuites judiciaires contre l’Afrique du Sud, quand elles se sont aperçues de l’image désastreuse que cela leur donnait : 24 des 30 millions de sidéens sont en Afrique; la quasi-totalité sont incapables de se procurer les médicaments éprouvés, comme l’AZT, parce qu’ils sont hors de prix; l’Afrique du Sud a donc décidé d’importer et produire chez elle des copies de ces médicaments (qu’on appelle des médicaments génétiques), moins chers, mais tout aussi efficaces.

La décision sud-africaine relevait du bon sens : avec un médicament anti-sida officiel, la facture pour un patient peut s’élever à plus de 10 000$ US par an; avec une copie, 200$ par an.

Or, 39 multinationales pharmaceutiques ont décidé de contester en cour la loi sud-africaine de 1997 autorisant l’importation ou la production de ces médicaments génériques.

Commencé le 5 mars, le procès avait été ajourné pendant six semaines, puis avait repris le 18 avril... juste pour que les compagnies annoncent au juge le retrait de leur plainte. Parce que pendant ces six semaines, ces compagnies (la britannique Glaxo-SmithKline, les américaines Bristol-Meyers Squibb et Merck, la suisse Roche, l’allemande Boehringer Ingelheim, la française Aventis, etc.) avaient pris la mesure de la colère internationale face à leur poursuite (lire David a fait trébucher Goliath).

Une victoire pour l'Afrique du Sud, ont proclamé les journaux. Mais une victoire pour l'Afrique tout entière. Et pour le reste de la planète. Deux mois plus tard, en juin, les Etats-Unis annonçaient qu’ils retiraient à leur tour leurs poursuites contre le Brésil, lui aussi engagé dans la production de médicaments génériques (lire ce texte).

Les compagnies pharmaceutiques, elles, n’ont pas encore baissé pavillon devant le Brésil, et des négociations se poursuivent en coulisses (lire ce texte).

Autant le Brésil que l’Afrique du Sud savent qu’ils violent les ententes internationales sur le commerce en favorisant ainsi la production de ces médicaments puisque ce faisant, ils empêchent l’entrée sur leur territoire d’un produit. Or, toute la philosophie de l’OMC, à l’heure de la mondialisation, repose sur l’ouverture totale et sans restrictions des pays à tous les produits commerciaux, d’où qu’ils viennent. Ce ne sont évidemment pas les compagnies pharmaceutiques qui souhaiteraient que les médicaments fassent exception.

Incidemment, la crise de l’anthrax, qui a vu les Etats-Unis et le Canada prendre des mesures pour acheter des copies génériques, donc à bas prix, du fameux Cipro, a mis les dirigeants de ces pays dans l’embarras, face aux géants pharmaceutiques qu’ils défendaient jusqu’alors...

Un compromis sera tôt ou tard signé, par lequel ces compagnies accepteront qu’un pays ait accès à des médicaments génériques "dans des situations d’urgence". Mais la définition de ce qui est une urgence risque d’occuper les négociateurs pendant des années encore. Et en attendant, on a accepté de repousser de 2006 à 2016 la date à laquelle les 49 pays les plus pauvres devront se conformer à l’accord TRIPS (en français, ADPIC), sur les droits de propriété intellectuelle. Pendant tout ce temps, la brèche ouverte l’hiver dernier en Afrique du Sud s’élargira de plus en plus : après le sida, la tuberculose et la malaria. Après le Brésil, la Thaïlande et l’Inde... et son milliard d’habitants...

 


En manchette la semaine dernière:
Groenland fondu

A lire également cette semaine:
Ozone: un trou vers l'Europe

Le gène du réchauffement global

Un anti-douleur contre l'Alzheimer?

La science de la télé-réalité

Une coquerelle géante

Et plus encore...


Archives des manchettes




 
Accueil | Hebdo-Science | Le Cyber-Express | Bibliothécaire Québécois | plan du site