Voici lhistoire
dune planète plus fragile
quon ne le croit. Et pour une
fois, ce ne sont pas les humains qui
sont en cause, mais de banales plantes
et dencore plus anodins champignons.
Tous deux pourraient avoir quitté
les océans, pour coloniser la
terre ferme, des centaines de millions
dannées plus tôt
que ce quon croyait jusquici.
Sauf que ce faisant, ils auraient provoqué
deux des événements les
plus dramatiques de lhistoire
de notre planète.
Laffirmation, en
soi, est étrange, puisquon
imagine spontanément que larrivée
de la végétation fut un
événement-clef de notre
histoire, un progrès majeur.
Eh bien, pas tout à fait, selon
une étude dirigée par
Blair Hedges, de lUniversité
de Pennsylvanie.
Les champignons, dabord :
il y a un milliard et demi dannées,
en quittant les océans et en
sincrustant sur la terre, centimètre
par centimètre, ces organismes
dabord minuscules puis de plus
en plus gros, se sont mis à absorber
le dioxyde de carbone contenu dans lair;
à leur arrivée, 800 millions
dannées plus tard, les
plantes ont accéléré
le processus. Or, le dioxyde de carbone,
à cette époque en quantité
très élevée, retenait
la chaleur -parce quil provoquait
ce quon appellerait aujourdhui
un effet de serre. La chute brutale
-brutale, à léchelle
géologique- de ce gaz provoqua
une baisse des températures tout
aussi brutale, bouleversant du même
coup les climats : et
cest ainsi que la Terre connut
la pire époque glaciaire de son
histoire. Une glaciation si intense
que les géologues lont
baptisée la Terre-boule de neige.
Mais les bouleversements
nétaient pas terminés.
Les plantes qui avaient survécu
avaient commencé à produire
de loxygène. Quelques dizaines
de millions dannées plus
tard, il y a environ 550 millions dannées,
le taux doxygène atteignit
un niveau suffisant pour entraîner
un autre bouleversement planétaire:
ce quon appelle aujourdhui
lexplosion du Cambrien, une période
de 5 à 10 millions dannées
pendant laquelle la vie animale explosa
littéralement : quantité
de nouvelles espèces, qui séparpillèrent
un peu partout.
"Si tout cela est
vrai, il y a un lien entre la vie et
lenvironnement encore plus étroit
que ce quon croyait", résume
Blair Hedges, un astrobiologiste (nouvelle
branche unissant lastronomie et
la biologie) dont létude
a été financée
par la Nasa.
Le chercheur, dont létude
paraît dans la dernière
édition de
la revue Science, en est
arrivé à cette conclusion
par létude de 119 protéines
de champignons, dalgues vertes
et de plantes. Cest la plus vaste
étude génétique
comparative de plantes à ce jour.
Les différences entre ces protéines
fournissent une mesure du temps écoulé
depuis que leurs ancêtres se sont
divisés. Jusque-là, les
plus anciennes traces fossiles de plantes
ne remontaient quà 480
millions dannées, bien
quon se doutait quelles
étaient apparues plus tôt.
Certains sont sceptiques.
Interrogé par le service dinformation
de la revue Nature, Charles Wellman,
de lUniversité de Sheffield,
en Angleterre, souligne que notre compréhension
de ces "horloges moléculaires"
que sont les protéines est encore
trop récente pour accréditer
de telles conclusions. Une seule erreur
dévaluation (Hedges a présumé
que les protéines animales et
celles des plantes évoluaient
au même rythme, ce qui lui a donné
une base de comparaison), une marge
derreur trop grande, et tout lédifice
sécroule.
Mais les chercheurs qui,
depuis quelques années que circule
cette image de la Terre-boule de neige,
tentent dy trouver une explication
rationnelle, saluent cette nouvelle
hypothèse. Car la présence
de plantes aussi tôt dans notre
histoire collerait parfaitement à
la baisse radicale, encore inexpliquée,
de dioxyde de carbone.