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semaine du 15 octobre 2001



L'anthrax est un Américain


L'anthrax qui attaque actuellement les États-Unis appartient à une bonne famille tout ce qu’il y a d’américaine...


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Après le 11 septembre

Ce que cela signifie, c’est que quiconque s’est servi de cette bactérie pour l’envoyer par la poste, l’a fort probablement recueillie sur le territoire américain. Il a pu la prélever sur un animal malade, l’acquérir d’une compagnie de produits biologiques ou même d’une école de médecine vétérinaire. Mais il est très improbable qu’il s’agisse d’une variété "cultivée" dans un laboratoire étranger.

Car l’anthrax est une bactérie, est-il besoin de le rappeler. De son véritable nom, en français, bactérie du charbon. Et comme toutes les bactéries, elle se divise, aux quatre coins du monde, en plusieurs souches ou "familles". Or, il se trouve que celle qui a d’ores et déjà tué un homme en Floride, en plus d’en contaminer une demi-douzaine d’autres là-bas, et une femme à New York, et peut-être d’autres personnes ailleurs (dont au Nevada), appartient à la souche "Ames", une variété qu’on n’a jamais vue à l’état naturel en-dehors de l’Amérique du Nord.

Evidemment, cela ne permet pas de lier ces attaques à quelque mouvement terroriste que ce soit. Mais la liste de plus en plus longue des personnes touchées et le moyen de propagation —le courrier- a permis d’éliminer dès le premier jour une propagation accidentelle.

Cela fait donc de la première victime, Robert Stevens, 73 ans, ce directeur photo du tabloïd floridien The Sun, la première victime de l’Histoire causée par une attaque délibérée à l’anthrax.

On a en effet tendance à l’oublier, mais s’il y a eu plusieurs tentatives —donc celles, avortées, de la secte japonaise Aoum, qui a préféré se rabattre, en 1995, sur le gaz sarin- jamais une attaque à l’anthrax n’est parvenue à faire de victimes.

Depuis le début du siècle (lire Un siècle de bioterrorisme), aussi bien la Grande-Bretagne que l’Union Soviétique et l’Iraq ont certes travaillé dur pour créer une arme biologique à base d’anthrax. Au moins 64 personnes en sont même mortes en 1979, à Sverdlovsk, en Russie; mais il s’agissait alors d’une fuite accidentelle, qui a contaminé la population locale, et non un quelconque ennemi. Nulle part n’a-t-on pu trouver de traces d’une attaque délibérée utilisant cette arme.

Et il y a une raison à cela: c’est que d’un point de vue de militaire, ou même de terroriste, comme arme, l’anthrax n’est franchement pas efficace. Comme nous l’écrivions la semaine dernière (lire Comment se procurer de l'anthrax), une fois qu’on est parvenu à se procurer de l’anthrax, on n'est pas au bout de ses peines. Encore faut-il avoir sous la main une souche virulente : certaines sont en effet dangereuses, d’autres beaucoup moins.

Et une fois qu’on a sous la main une souche virulente, encore faut-il la garder en vie : cela signifie un laboratoire équipé de la technologie de pointe, allant du contrôle de la température jusqu’au suivi de la croissance et de la multiplication de notre culture bactérienne. Et pas seulement sa croissance en éprouvette : il faudra tester sa virulence sur des souris, des hamsters, des lapins, des chiens. C’est seulement si ça fonctionne à toutes ces étapes que notre terroriste pourra raisonnablement espérer que la souche qu’il a sous la main pourra aussi contaminer les humains.

Si on décide de sauter cette étape, et de l’utiliser tout de suite, rien ne garantit qu’elle survivra au voyage et aux changements d’environnement qu’il implique. Et quand bien même y survivrait-elle, une fois relâchée dans la nature (par exemple, vaporisée depuis un aérosol... ou placée dans une enveloppe), certaines des bactéries mourront tout de suite, parce qu’elles n’auront pas trouvé assez vite un hôte (humain ou animal). Ou parce qu’elles en auront trouvé un, mais n’auront réussi à l’attaquer que de façon superficielle (par exemple, en provoquant une infection de peau, plutôt qu’une infection pulmonaire, seul cas où la vie de la personne devient très sérieusement menacée).

Bref, on ne fait pas mûrir une colonie d’anthrax dans le fond de son garage… ou de sa caverne d'Afghanistan. C’est une tâche de très longue haleine, nécessitant des experts scientifiques de haut niveau, un équipement technologique de pointe, de l’argent, et beaucoup de patience.

A moins que l’intention ne soit de créer plus simplement une psychose chez l’ennemi... Si tel est l’intention, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça marche. Sur trois continents, on discute désormais des défenses actuellement en place contre le bioterrorismse (après tout, il y a déjà cinq ans qu’on en parle). Et surtout, des trous dans ces défenses : selon une étude publiée la semaine dernière par un comité d’experts britanniques, l’Union européenne "n’est pas adéquatement préparée à faire face à l’émergence d’épidémies à grande échelle" comme la grippe, un empoisonnement à la salmonelle ou la maladie du légionnaire. Dans un des pays étudiés par exemple, le système de surveillance a échoué dans six cas sur 10. Dans un autre, jusqu’à 10% des cas de méningocoques n’ont pas été rapportés. L’étude, publiée dans le British Medical Journal, a été menée bien avant les événements du 11 septembre.

En France, on a réactivé en fin de semaine le plan Biotox, plan de lutte contre le bioterrorisme mis au point en 1999. Budget : environ 400 millions de francs, selon Libération. On y apprend au passage que la France dispose d’une réserve de 5 millions de doses du vaccin contre la variole, une maladie éradiquée depuis des décennies, mais que toutes les alertes au bioterrorisme, depuis cinq ans, mentionnent avec un brin d’effroi.

Même à l’autre bout du monde, l’Australie a été touchée par la psychose : lundi, le 15 octobre, des édifices à Melbourne, à Canberra et à Brisbane, abritant entre autres des consulats américain et britannique, ont été évacués, après qu’on eut reçu des lettres qualifiées de "suspectes".

Mais c’est aux États-Unis que la psychose frise la panique. Même le secrétaire à la Santé a lâché, en fin de semaine, l’épithète "terrorisme" alors qu’il faisait le point sur les victimes de l’anthrax. Et voilà qu’on apprenait que la femme du rédacteur en chef du Sun de Floride avait loué un appartement à deux des terroristes du 11 septembre... Les hôpitaux sont débordés de demandes d’antibiotiques. Et la Maison-Blanche, révélait le New York Times, a débloqué des budgets pour entreposer 10 millions de doses supplémentaires de cet antibiotique (le Cipro) efficace face à l’anthrax —contre les 2 millions de doses actuellement disponibles sur le territoire.

Et ce n’est pas tout : le gouvernement a également ordonné la production, d’ici deux ans, de 40 millions de doses d’un nouveau vaccin contre la variole.

Psychose, panique, courriers suspects, poudres volatiles... Le travail d’éducation, seule arme capable de faire diminuer la haine, à long terme, est vraiment repoussé à une date indéterminée...


En manchette la semaine dernière:
Lumière sur la peste noire

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