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semaine du 23 avril 2001



David a fait trébucher Goliath


La décision des compagnies pharmaceutiques de laisser tomber leurs poursuites contre l'Afrique du Sud marque un tournant: Goliath s’est incliné devant David. Désormais, dans les pays du Sud, la médecine ne sera plus la même.


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Une victoire pour l'Afrique du Sud, ont bien sûr proclamé les journaux. Mais une victoire pour l'Afrique tout entière, parce que c'est là-bas que le sida fait aujourd'hui des ravages, et non plus dans les pays riches : 24 des 30 millions de sidéens de la planète sont aujourd’hui en Afrique. Or, c'est aussi en Afrique qu'il est impossible de se procurer les médicaments anti-sida éprouvés -parce qu'ils sont hors de prix (lire ce texte).

Et c’est là-dessus que portait ce procès: 39 compagnies pharmaceutiques, les géants mondiaux du domaine, contestaient une loi sud-africaine de 1997 qui autorise l’importation ou la production de médicaments anti-sida à moindre coût. Ou plus exactement: pas les médicaments " officiels ", mais des copies à moindre coût de ces médicaments. Ce qu’on appelle des médicaments génériques.

En moyenne, selon une évaluation de CNN, un médicament anti-sida "officiel", breveté, peut coûter à un patient de 10 500 à 15 000$ US par an. Avec des produits génériques tels que ceux qu’on trouve au Brésil ou en Thaïlande, la facture peut baisser jusqu’à 200$ par an.

Commencé le 5 mars, le procès avait été ajourné pendant six semaines, puis avait repris mercredi, le 18 avril. Juste assez longtemps pour que les compagnies annoncent au juge leur désir de retirer leur plainte. Dans la salle d’audience, et aux quatre coins du monde -même si vos journaux n’y ont pas consacré leur Une- il y a eu ce jour-là des explosions de joie.

Explosions de joie, parce que les compagnies avaient tout de même la loi de leur côté. Ces médicaments, ce sont leurs créations, de sorte que copier un produit —et le revendre- c’est une violation du droit d’auteur. Sauf que dans le contexte sud-africain, où 4,7 millions de personnes sont atteintes du sida, dont une bonne partie pourraient être sauvées si elles avaient accès à des médicaments, dans ce contexte donc, le procès était proprement indécent.

Oxfam, Médecins sans frontières, et même l’Organisation mondiale de la santé, tous ont, à un moment ou à un autre, suggéré, voire exigé, des compagnies, qu’elles fassent preuve d’un minimum de bon sens... et d’humanité. Bref, au moment même où un débat international sur les méfaits de la mondialisation faisait rage à Québec, à l’autre bout de la planète, ce procès était devenu l’incarnation de la mondialisation dans ce qu’elle a de plus odieux.

 

Mondialisation de la science

Un parallèle peut d’ailleurs être tracé entre l’émergence planétaire d’un mouvement anti-mondialisation, consacrée à Seattle en 1999, et l’indignation face à l’inhumanité de ces multinationales. Indignation d’abord apparue dans les pays du Sud bien sûr, mais plus particulièrement dans ces pays plus puissants, donc plus susceptibles de tenir leur bout : Inde, Brésil, Afrique du Sud. Il a fallu bien du temps avant que les multinationales ne s’aperçoivent que le vent avait tourné, en dépit des appels du président d’alors aux Etats-Unis, Bill Clinton, qui réclamait davantage de " souplesse " dans la protection des brevets. Et des dénonciations du président Chirac, lançant un " le sida tue plus que la guerre ". En février 2001, l’Union européenne refusa d’accorder son appui aux Etats-Unis lorsque ceux-ci engagèrent un recours contre le Brésil, accusé, lui aussi, de produire des médicaments génériques.

Ce n’est donc pas par hasard si le gouvernement sud-africain a tenu son bout dans cette histoire : il a jugé, écrit Libération, que c’était " le sort de l'ensemble des pays en développement face au manque d'accès aux soins antisida qui se jouait ". Et le moment était devenu propice.

Dès le lendemain du retrait de leur plainte, les compagnies pharmaceutiques se sont bien défendues d’avoir perdu : le retrait de notre plainte contre l’Afrique du Sud n'ouvre en aucun cas la porte au déferlement des médicaments génériques dans le reste du monde, ont-elles insisté. A voir. Parce que maintenant que la brèche est ouverte...

Certes, l’accord insiste sur son caractère exceptionnel et rappelle la prédominance de "la propriété intellectuelle des brevets". La Fédération internationale de l'industrie du médicament en parle comme d’un compromis "mutuellement satisfaisant". Même discours chez les géants britannique Glaxo-SmithKline, américains Bristol-Meyers Squibb et Merck, suisse Roche, allemand Boehringer Ingelheim et français Aventis. Par ailleurs, une procédure très stricte pour recourir à ces copies de médicaments a été inscrite dans l’accord, incluant des négociations avec les fabricants, de sorte que ceux-ci espèrent pouvoir garder le contrôle.

De plus, il y a aussi une raison très cynique pour laquelle ces multinationales ne sortiront pas si ébranlées de cette cause : tout simplement, elles ne vendent pas grand-chose en Afrique.

Mais il n’en demeure pas moins qu’elles viennent de trébucher. "On peut avoir la certitude, déclare pour Libération le responsable d'un groupe français, que les laboratoires seront désormais obligés de fournir des prix suffisamment bas pour que le recours aux génériques ne soit plus justifié." Bref, les prix vont baisser. Et pas seulement en Afrique. Et à plus long terme, pas seulement pour les médicaments anti-sida.

"Il est trop tôt pour dire ce qu’en seront les retombées, mais c’est un événement très inhabituel", résume prudemment pour CNN Simon Cohen, un expert londonien en brevets internationaux. " Je ne peux penser à aucune cause similaire concernant les brevets. "

Tout le monde est d’accord pour dire que si les compagnies ont mis fin à leur poursuite judiciaire, c’était parce qu’en terme de relations publiques, l’impact était désastreux. La pression venue de l’autre camp était en effet considérable : le lobby des 39 compagnies pharmaceutiques s’est retrouvé face à un lobby certes beaucoup moins riche et beaucoup moins bien structuré (pêle-mêle, des organisations non-gouvernementales, le parlement européen, les pays non-alignés, etc.)... mais un lobby qui avait l’appui de, si l’on peut dire, la conscience de l’humanité. En d’autres termes : le droit de faire de l’argent d’un côté, et la défense de la vie et de la dignité humaine de l’autre. Les milliards de dollars de profits annuels d’un côté, et les 30 000 morts du sida chaque jour, de l’autre.

La semaine dernière, c’était l’Afrique du Sud, demain, la Zambie, après-demain, le Brésil ? Le 1er février dernier, disions-nous plus haut, les Etats-Unis ont déposé une plainte contre le Brésil, auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’accusant d’autoriser la production chez lui de médicaments génériques. Ce que le Brésil n’a pas nié : depuis 1994, un laboratoire de là-bas produit une version "pirate" de l’AZT, le médicament par excellence anti-sida. L'AZT valait 56 cents en 1996, sa copie ne coûte plus que 18 cents aujourd’hui. Déjà, l’Inde l’a imité. Et l’Inde, c’est un milliard d’habitants...

Le Brésil n’est donc pas dans son droit, au sens strict du terme, puisqu’il viole les ententes internationales sur la propriété intellectuelle (une décision de l’OMC est attendue pour l’automne). Mais moralement, il se retrouve dans la même situation que l’Afrique du Sud. Or, si le " lobby hétéroclite " qui a triomphé en Afrique doit se révéler aussi efficace en Amérique du Sud, les multinationales pharmaceutiques devront aller se rhabiller...

 


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