Ce nest
plus une nouvelle, direz-vous,
puisque nous vous lannoncions
dans cette même
page il y a déjà
deux semaines (lire:
Lanthrax
est un Américain).
Mais il a fallu tout
ce temps avant que les
enquêteurs acceptent
dadmettre linadmissible.
Et surtout, avant que
des informations ne
commencent à
filtrer jusquaux
médias.
Dans une
nouvelle datée
du 29 octobre, lhebdomadaire
britannique New Scientist
révèle
que les spores de lanthrax,
ou bactérie du
charbon, retrouvées
dans les sinistres enveloppes,
ont
été "adaptées"
à partir d'une
recette militaire américaine
secrète.
Ou du moins, quon
croyait secrète.
Cette
information sajoute
à celle qui circulait
déjà depuis
deux semaines, à
savoir que la souche
de la bactérie,
appelée Ames,
nexiste à
létat naturel
quen Amérique
du Nord. Et elle vient
compléter lautre
information, qui
a commencé à
circuler la semaine
dernière dans
les médias,
selon laquelle cette
bactérie est
génétiquement
très proche,
anormalement proche,
de la souche que les
Américains ont
eux-mêmes travaillée
pour en faire une arme,
dans les années
60.
De fait,
révèle
à présent
le New Scientist,
lanthrax 2001
nest pas seulement
très proche génétiquement
de cet anthrax militaire
américain des
années 60 (le
programme a pris fin
en 1969). Cest
probablement le même
ou du moins, une
copie drôlement
fidèle.
Et ceci
est fort inquiétant.
Parce que tant quil
sagissait de la
souche Ames, il était
possible de sen
procurer dans des centaines
dinstituts de
recherches et dhôpitaux
vétérinaires,
y compris à lextérieur
du continent nord-américain.
Dès lors quil
sagissait de la
même souche que
celle qui a été
adaptée par les
militaires américains
dans les années
60, elle devenait certes
plus difficile à
se procurer, mais on
pouvait tout de même
la trouver dans plusieurs
pays à lépoque
alliés des Etats-Unis,
dont lAfrique
du Sud. Mais sil
savérait
que la méthode
de "création"
de lanthrax 2001
est bel et bien une
copie conforme de la
recette suivie par les
Américains dans
les années 60,
cela donnerait un sérieux
coup sur la tête
à tous ceux qui
prétendent assurer
la sécurité
de ces secrets. Et une
inquiétude de
plus en matière
de bioterrorisme: après
avoir volé les
secrets dun anthrax
"amélioré",
qui sait ce quIls
seront capables de voler ?
La recette
en question permet de
transformer une bactérie
qui a besoin de milieux
humides pour se développer
en une banale poudre
sèche ce
qui la rend bien plus
facile à transporter.
Cest cette méthode
(impliquant apparemment
lajout de molécules
exotiques qui brisent
les spores en particules
encore plus petites)
qui, selon le New
Scientist, constituait
le secret soi-disant
bien gardé.
Lalternative
un brin moins inquiétante,
celle
qui a fait les nouvelles
la semaine dernière,
reste encore dans lair,
dans lattente
des analyses plus pointues
des laboratoires: à
savoir que quelquun
se soit "simplement"
procuré un de
ces échantillons
conservés après
la fin du programme
américain, en
1969. Ces analyses sont
pour linstant
ralenties par le fait
que, sauf dans deux
cas la lettre
envoyée au bureau
du sénateur Daschle
et celle envoyée
au New York Post-
les scientifiques ne
peuvent analyser que
les spores retrouvées
chez les personnes contaminées,
et non la poudre elle-même.
Or, mettre la main sur
la poudre est indispensable
pour avoir une certitude
quant à ses origines.
La semaine
dernière, on
apprenait que la poudre
retrouvée chez
le sénateur contenait
des spores de 1,5 à
3 microns de diamètre.
Or, les spores de la
bactérie, à
létat naturel,
font environ un demi-micron
de diamètre.
Plus larges, elles sont
plus résistantes;
et le simple fait de
les transformer en une
souche "sèche"
les rend plus grosses.
Tant quelles demeurent
en-dessous de cinq microns,
elles peuvent facilement
pénétrer
jusquaux poumons,
selon Ken Alibek, un
ancien directeur du
programme soviétique
darmes biologiques.
Outre
les Etats-Unis, seulement
deux pays ont eu un
programme militaire
de production de bactéries
du charbon "sèches":
lUnion Soviétique
et lIraq. LIraq
sy est essayé
en séchant les
bactéries avec
de la bentonite (un
argile réputé
pour son pouvoir dissolvant).
Sauf qu'il ny
avait pas de bentonite
dans la lettre du sénateur,
a annoncé la
Maison-Blanche la semaine
dernière, contribuant
ainsi à resserrer
encore plus le nombre
de suspects.
A son
apogée, le programme
américain darmes
biologiques a produit
900 kg de bactéries
du charbon sèches
par an, dans une usine
de lArkansas.
Ces réserves
ont été
détruites lorsque
les Etats-Unis ont renoncé
à ce programme
en 1969. Mais des échantillons
ont été
conservés au
pays et chez des amis,
y compris en Afrique
du Sud. Par conséquent,
une façon davoir
une certitude absolue
sur les origines de
la bactérie 2001
sera de déterminer
combien de générations
la séparent de
la version 1969. Si
lécart
est très faible,
alors il sagit
probablement d'un de
ces restes des expériences
des années 60.
Si lécart
est plus élevé,
alors la bactérie
a été
produite récemment.
On aurait ainsi la preuve
que quelquun sest
procuré la fameuse
recette qui aurait dû
demeurer à tout
jamais secrète...