Vendre la vie
(ASP) - On ne peut vendre à quiconque
ce qu'il produit ou dont il dispose déjà.
Vérité de La Palice? Pas pour lindustrie
de la santé et de lagro-alimentaire, qui
multiplie depuis des années les brevets déposés
sur le vivant par exemple, sur des plantes rares,
ou sur des gènes beaucoup plus communs- et qui
sest encore une fois retrouvée sur la sellette,
ces derniers jours, lors du Forum social mondial de
Porto Alegre.
Pour les industriels, ironise le Français
Jean-Pierre Berlan, de lInstitut national de recherche
agricole, "c'est un grand malheur que les plantes
(et les animaux) se reproduisent dans le champ du paysan":
la vie serait tellement plus simple sils avaient
eux-mêmes inventé maïs, colza et autres
plantes. Spécialement lorsque vient le temps
de leur ajouter un gène. Ou sils pouvaient
créer des plantes qui auraient pour caractéristique
de ne plus se reproduire... obligeant ainsi le paysan
à racheter ses semences à la même
compagnie, année après année.
Le brevet dans les sciences de la vie,
et en particulier en agriculture, crée un débalancement
au profit des grandes compagnies ; "une discrimination
légale en faveur de "solutions" transgéniques
inutiles", lit-on dans le document déposé
à lintention des participants à
latelier Biologie,
Agriculture et santé, qui avait lieu samedi.
Problème similaire, mais qui affecte
dores et déjà des millions de personnes,
en santé: en brevetant des médicaments,
un géant pharmaceutique peut littéralement
en bloquer laccès aux populations qui en
ont le plus besoin et qui sont les plus pauvres
du globe. La riposte, venue lan dernier dAfrique
du Sud, puis du Brésil et de lInde, les
a obligé à rajuster leur tir (lire :
David a fait trébucher
Goliath). Mais déjà, le combat est
en train de se déplacer sur un autre front :
celui des gènes. Et pas seulement les maladies
dont la cause est entièrement dorigine
génétique, mais toutes celles qui sont
en partie liées à un gène (cancer,
obésité, etc.). Attendu que nous sommes
tous porteurs de gènes potentiellement défectueux,
on peut imaginer le pactole, pour ceux qui détiendront
le brevet sur la majorité de ces gènes,
ou plus précisément sur les traitements
puisquil y aura nécessairement des
traitements- extraits de ces gènes...
LOrganisation mondiale du commerce,
conclut Jean-Pierre Berlan, a dû reconnaître
en Afrique du Sud lan dernier, "que la santé
n'était pas une marchandise. Il faut maintenant
qu'elle reconnaisse que c'est l'ensemble du vivant qui
est un bien commun de l'humanité". Le sujet
n'était pas à l'ordre du jour du Forum
économique mondial, qui avait lieu au même
moment à New York...