L'avenir du sexe
(ASP) - Lhomme a le sexe triste.
La piètre condition de son spermatozoïde
se reflète clairement par le taux de fécondité
peu élevé de notre espèce.
Et attention, ceux qui posent ce constat
ne font même pas allusion aux études qui
prétendent que le taux de production du sperme
serait en baisse ces dernières décennies,
ni même à la baisse du taux de natalité
en Occident. Ils comparent, plus largement, lhumanité
avec les autres espèces animales. Et ils en concluent
quen matière sexuelle, nous avons un problème.
Cest que, résument les Australiens
John Aitken et Jennifer Marshall Graves, dans une analyse
que vient de publier la revue britannique
Nature, le sperme humain est dans une catégorie
à part, par rapport aux cellules reproductrices
spermatozoïdes et ovules- des autres mammifères:
pauvreté du bagage héréditaire
quils transmettent, pas très bien adaptés
à leur fonction et très sensibles à
une fragmentation des gènes contenus dans leurs
mitochondries et leurs noyaux.
Traduit autrement, cela signifie: environ
un couple sur sept, en Occident, doit aller suivre des
traitements contre linfertilité. Même
lorsquun spermatozoïde atteint son but ultime,
lovule, des dommages peuvent être transmis
aux enfants: toutes les mutations majeures de lhumanité
semblent en fait naître dans la partie mâle
de notre bagage génétique. Et cest
sans compter la sensibilité du sperme à
tout un tas de facteurs extérieurs, du tabac
jusquaux produits toxiques.
Dans ces conditions, il est étonnant
que lhumanité ait survécu jusquici.
Mais peut-être pas pour longtemps, poursuivent
nos deux analystes en biologie, attachés à
lUniversité de Newcastle (Nouvelles-Galles
du Sud) et à celle de Canberra. Car non seulement
nos cellules reproductrices souffrent-elles de tous
ces maux, mais certains de ces maux saccumulent
désormais les uns par-dessus les autres, à
mesure que la médecine permet à des hommes
qui, jadis, nauraient pas pu avoir denfants,
dengendrer une descendance porteuses des mêmes
tares. Résultat: le déclin de la qualité
du sperme se poursuivra et, avec lui, le déclin
de la fertilité.
On en connaît mal les causes, et
cest dautant plus difficile à expliquer
que la pollution et autres joyeusetés de notre
siècle nest, pour une fois, pas en cause.
Certains prétendent que c'est à la base
même du chromosome Y, le chromosome mâle,
qu'existerait un problème: il savère
en effet que ce chromosome est particulièrement
vulnérable aux dommages et plus particulièrement
aux "disparitions" de gènes. Au cours
des 300 derniers millions dannées, chez
les mammifères, le chromosome Y aurait été
réduit, dun quasi-jumeau du chromosome
X (celui de la femelle), à une ombre de lui-même.
Pour parler chiffres: le chromosome Y
original aurait contenu, il y a 300 millions dannées,
environ 1500 gènes. Depuis, tous sauf une cinquantaine
ont été rendus inactifs ou perdus. Soit
une moyenne de cinq gènes affectés par
million dannées, ce qui est énorme.
Et rien nindique que le processus se soit arrêté
récemment, au point où, scénario
étrange, dici une dizaine de millions dannées,
le chromosome Y pourrait ne plus être quune
coquille vide ou un chromosome qui sauto-détruirait.
Ce que cela signifie pour lespèce,
nul nen sait rien. La disparition dun chromosome
nest pas si rare dans la nature: cest ce
qui sest produit chez la taupe, où le chromosome
Y a été complètement éradiqué
du génome. Lactuelle "race humaine"
sera-t-elle remplacée, comme chez les taupes,
par des sous-espèces, indépendantes les
unes des autres parce quincapables de se reproduire
entre elles ?
Les échelles de temps dont on parle
ici sont de lordre des millions dannées,
rappelons-le. Mais cest maintenant, dune
génération à la suivante, que se
préparent ces prochains millions dannées.