Dix yeux tombés du ciel
(ASP) - Le satellite européen consacré
à lenvironnement, lancé vendredi
dernier, est le plus gros de sa catégorie jamais
mis en orbite et le plus avancé. Son objectif
est rien de moins quambitieux: mettre fin aux
incertitudes qui règnent encore sur les changements
climatiques.
Envisat est un genre de couteau suisse
de lenvironnement: alors que les satellites chargés
de sonder les signes vitaux de notre planète
(par exemple, les satellites météo) ont
dordinaire une tâche bien précise,
lui en a 10, une pour chacun des instruments quil
transporte doù sa taille et son poids
(huit tonnes). Outre quil sera le premier engin
à faire des mesures précises, depuis lespace,
des émissions de dioxyde de carbone dans notre
atmosphère (des données importantes, à
lheure où les chefs dÉtat
chipotent sur les réductions de leurs émissions
de ce gaz à effet de serre), Envisat mesurera
la température des océans avec une précision
jamais atteinte, suivra lévolution des
calottes glaciaires et des forêts, tandis quun
spectromètre dressera la carte du contenu chimique
des océans incluant la chlorophylle, laquelle
indique le niveau de plancton là-dessous. Un
instrument se consacrera spécifiquement à
lanalyse de la couche dozone et à
ses inquiétantes variations. Un autre comparera
ces variations avec les niveaux de pollutions dans la
même région.
Envisat pourrait en théorie prendre
sur le fait un navire en train de déverser du
pétrole, signaler la présence dicebergs
dangereux pour la navigation, ou apporter des informations
utiles aux forces policières en cas dinondations
ou de tempête de neige.
Ce laboratoire automatique un peu spécial
est
un enfant de la conférence de Rio sur lenvironnement,
en 1992. Dans la foulée des préparatifs
de ce qui allait sappeler le Sommet de la Terre,
lequel avait mis lenvironnement et le climat pour
la première fois à lordre du jour
des Nations Unies, avait germé en Europe le projet
dun satellite scientifique pas comme les autres.
Il en a coûté 2,3 milliards deuros
(dont le quart provient du Cnes, lagence spatiale
française) pour lensemble du programme
depuis 1989, incluant son exploitation, quon prévoit
durer cinq ans. Lampleur de ce projet naurait
rien eu dinhabituel à la Nasa du début
des années 90, mais pour lAgence spatiale
européenne, elle représentait un défi
nouveau genre, rappelle à Libération
Guy Duchossois, lun des pères dEnvisat.
"Nous ne verrons probablement jamais
plus une aussi grande plate-forme", reconnaît
dans la revue Nature John Burrows, de lUniversité
de Bremen, en Allemagne, lui aussi du projet Envisat.
Cest une fusée Ariane 5 qui
a mis en orbite lengin vendredi dernier, 1er
mars, depuis la base de Kourou, en Guyane française,
non
sans provoquer quelques sueurs froides: Ariane 5
était aux arrêts depuis plusieurs mois,
après deux échecs consécutifs dans
ses précédents lancements.