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La protéine du Nobel
(Agence Science-Presse) - Après les
gènes plus
tôt cette semaine, voici venu le tour des protéines.
Ceux qui ont suivi l'actualité du décodage
du génome savent en effet qu'une fois complétée
la carte des gènes qui composent un être
vivant, les scientifiques commencent tout juste à
s'atteler à une carte plus complexe encore: celle
des protéines produites par ces gènes. Le
Nobel de chimie arrive donc à point nommé
pour récompenser trois scientifiques qui, chacun
dans leur coin du monde, ont mis au point des techniques
et des méthodes sans lesquelles le décodage
des protéines resterait encore un objectif inaccessible.
Leur travail à tous les trois remonte
à une vingtaine d'années. L'Américain
John Fenn et le Japonais Koichi Tanaka ont démontré,
à la fin des années 80, que le spectromètre
de masse, un appareil jusqu'alors utilisé pour
déterminer la composition chimique d'un produit,
pouvait être employé pour déterminer
quelles protéines sont présentes dans ce
même produit. Par extension, il devenait possible
d'appliquer cette technologie à un être vivant,
et de déterminer quelles protéines sont
à l'uvre dans telle et telle partie de son
corps -par exemple, lorsque se développe un cancer,
ou lorsque son système immunitaire travaille à
éradiquer une maladie. Des informations d'une valeur
incalculable pour la médecine du futur.
Le troisième "nobelisé", le
Suisse Kurt Wuethrich, qui obtient la deuxième
moitié de la récompense -un million de dollars-
a suivi un chemin parallèle, également dans
les années 80, en travaillant avec une autre technologie:
l'imagerie par résonance magnétique. Il
a rendu possible la détection de protéines
bien particulières, lorsqu'on les baigne dans un
liquide organique similaire à celui de nos cellules.
Les lauréats, résume le comité
du Nobel, ont
engendré "de puissantes méthodes d'analyse
pour étudier des macromolécules biologiques,
par exemple des protéines", méthodes
qui constituent aujourd'hui les bases de cette toute nouvelle
science appelée la protéomique.
Si John Fenn, qui fut attaché à
l'Université du Commonwealth de Virginie, est aujourd'hui
âgé de 85 ans, et Kurt Wuethrich, biophysicien
à l'Institut fédéral suisse de technologie
à Lausanne, de 64 ans, Koichi Tanaka, de la Corporation
Shimadzu à Kyoto est, à 43 ans, le plus
jeune lauréat d'un Nobel de chimie depuis 1934.
Il est en effet rare qu'un Nobel de science soit dans
la quarantaine, le prix, qu'il s'agisse de celui de médecine,
de physique ou de chimie, récompensant généralement
un travail qui s'est étalé sur des décennies
et dont les retombées sont si grandes qu'elles
ne peuvent prendre que des années, voire des décennies,
avant d'être pleinement perceptibles.
Le Japon a par ailleurs de quoi se réjouir,
puisqu'avec Koichi Tanaka, il vient d'obtenir son deuxième
Prix Nobel de la semaine, après le Nobel de physique
co-décerné à Masatoshi Koshiba (voir
ce texte).