Guerre contre le cancer: dernières nouvelles
du front
(ASP) - Les nouvelles ne sont pas très
bonnes. Loffensive se poursuit sans relâche;
des milliards de dollars ont été engloutis
dans les tranchées; mais les deux armées
semblent depuis un bout de temps avoir atteint un statu
quo.
Une fois par deux ans environ, surgit
dans lactualité une information qui laisse
croire quune nouvelle victoire contre le cancer
est en vue. Depuis deux décennies au moins, cet
espoir est suivi dune déception, lorsquon
saperçoit que le traitement, qui fonctionnait
pourtant si bien sur les souris, échoue lamentablement
chez les humains. Et la déception devient chaque
fois plus vive, à mesure que les déceptions
sempilent les unes par-dessus les autres.
Même les traitements traditionnels
semblent sêtre installés dans une
guerre de tranchées. La chimiothérapie,
après un lent début dans les années
50, a produit dans certains cas des résultats
fulgurants: jusquà 90% des cas de leucémie
infantile sont maintenant guérissables, selon
une analyse de la "guerre du cancer" que publie
la revue Nature. Mais cette même chimiothérapie
se révèle beaucoup plus timide face aux
cancers tueurs que sont ceux du sein, de la prostate,
du colon ou du poumon.
Avec plus de 46 milliards$ dépensés
dans cette guerre par le gouvernement américain
depuis 1971, le cancer serait-il devenu le Vietnam de
la science? Ironiquement, cette guerre avait été
lancée par le président dalors,
Richard Nixon, comme une sorte de rêve devant
succéder au rêve de mettre un homme sur
la Lune: un objectif scientifique, capable de mobiliser
une nation. Et le rêve de Nixon, au moins, était
socialement plus utile que le rêve lunaire...
Jusquà quel point les experts
sentendaient-ils par contre pour dire, dès
1971, que le rêve de battre le cancer avant 1980
était irréaliste, les avis divergent là-dessus.
On sait aujourdhui, expliquent-ils, quil
ny a pas "un" cancer, mais "des"
cancers, et quaucun traitement ne fonctionnera
contre toutes les formes de cancers à la fois.
Mais cela, on le savait aussi dès 1971.
Motif d'encouragement: on navait
pas jadis les connaissances génétiques
quon possède maintenant, souligne Nature.
On identifie de plus en plus de gènes coupables,
et cela permet de commencer à mieux cibler les
traitements et à faire davantage de prévention
chez les familles à risque. Est-ce là
larme qui manquait jusquici aux combattants
pour lancer un assaut décisif? Oui et non...
parce que très peu de cancers sont causés
par un seul gène défectueux. "Il
y a tellement de choses qui peuvent aller de travers",
résume Robert Weinberg, de lInstitut Whitehead
à Cambridge (Massachusetts) quil nest
pas étonnant quon ait du mal à attraper
lennemi. En même temps, cela explique pourquoi
une tumeur détectée à un stade
précoce est aussi facile à combattre:
les gènes défectueux saccumulent
à mesure que le cancer progresse, de sorte quil
vaut mieux abattre lennemi au tout début
du processus, alors quil est encore relativement
peu organisé. Et ça, cest comme
demander à une armée de combattre un ennemi
quelle ne connaît pas encore, dont elle
ignore la position et contre lequel elle ne dispose
pas encore darmes. Pas étonnant que la
guerre de tranchées se poursuive depuis aussi
longtemps...