La comète de la Nouvelle-France
(ASP) - Une comète apparue par
surprise aux astronomes amateurs il y a quelques jours,
et qui disparaîtra dans quelques jours, est une
vieille amie: sa présence avait été
signalée pour la dernière fois il y a
341 ans, par une religieuse nommée Marie de lIncarnation,
en pleine Nouvelle-France.
Visible à loeil nu (ou, du
moins, avec une bonne paire de jumelles) dans lhémisphère
Nord, juste après le coucher du soleil, la comète
Ikeya-Zhang nétait pas attendue: parce
quavec seulement une visite tous les 341 ans,
personne navait remarqué, la dernière
fois, quelle était déjà passée
par chez nous.
Lobjet
a dabord été repéré
au télescope par deux astronomes amateurs,
au Japon et en Chine, il y a quelques semaines. Dans
quelques jours, elle contournera le Soleil, et apparaîtra
alors, toujours dans lhémisphère
Nord, mais peu avant laube cette fois ce
qui rendra lobservation à loeil nu
impossible, en raison de la proximité de cette
comète et du Soleil.
Cest la première fois quune
comète à période longue, comme
on appelle celles qui ne reviennent quune fois
tous les quelques siècles, nous revient, depuis
que les astronomes ont appris à les cataloguer
et les reconnaître. On estime sa brillance à
un dixième de celle de la comète Hyakutake
qui, en 1996, avait fait une solide impression.
Sa dernière visite remonte donc
à lannée 1661, et deux observateurs,
dans cette terre dAmérique quon appelait
alors la Nouvelle-France, en font état: le père
missionnaire de lordre des Jésuites, Jerome
Lalemant, et la mère supérieure du Couvent
de Québec, Marie de lIncarnation. Le premier
en parle dans son journal de voyages: "la comète
fut visible ici, de la fin de janvier au début
de mars". De fait, au même moment, en Pologne,
lastronome Johannes Hevelius notait jour après
jour lévolution de ce nouveau corps céleste,
au point den détailler différentes
structures sur le noyau.
Lalemant lui attribue pour sa part "les
désastres auxquels ces étoiles du malin
sont les annonciatrices", tandis que Marie de lIncarnation,
dans une lettre envoyée à son fils en
septembre 1661, parle plus sobrement de la comète,
"ses baguettes pointées vers la terre. Elle
apparaissait vers deux ou trois heures du matin et disparaissait
vers six ou sept heures". Quoique sa description
était elle aussi suivie de lhabituel dérapage:
"dans les airs, apparaissait un homme de feu, enveloppé
de feu. Un canot de feu fut également observé
et, dans la direction de Montréal, une grande
couronne vraisemblablement de feu".
On na plus les comètes quon
avait...
Avec la collaboration d'Yvan Dutil