Einstein sous surveillance
(ASP) - Ceux qui connaissent la biographie
dAlbert Einstein savent déjà que
le FBI sétait suffisamment méfié
de lui pour le placer sous surveillance. Mais ils nimaginaient
pas à quel point.
Car de nouveaux documents obtenus par
lauteur dune nouvelle biographie à
paraître ce mois-ci, révèlent que
pendant des années, des agents ont aussi bien
fouillé dans les poubelles du plus célèbre
scientifique de la planète, que placé
ses assistants sous surveillance et accumulé
des témoignages affirmant quil était
un espion communiste.
Dès 1983, rappelait récemment
le New York Times, le Dr Richard Alan, professeur
danglais à lUniversité internationale
de Floride à Miami, avait obtenu un document
de 1427 pages constituant "le dossier Einstein"
(The Einstein File), tel quaccumulé par
le FBI pendant toutes ces années. Il en avait
résulté un long reportage dans lhebdomadaire
The Nation. La version remise au Dr Alan était
toutefois allègrement censurée (des noms
effacés pour protéger les sources, des
paragraphes entiers passés au marqueur noir,
etc.). Cette fois-ci, lécrivain Fred Jerome,
ex-journaliste et aujourdhui enseignant, dont
le père fut un membre affiché du Parti
communiste américain, et a fait pour cette raison
de la prison pendant trois ans, a carrément poursuivi
le gouvernement américain, avec laide dun
organisme de défense des droits civiques, afin
den obtenir une version plus complète.
Et quont donc donné toutes
ces années denquête sur Einstein?
Rien du tout. Jusquà sa mort, en 1955,
il a été suivi, soupçonné,
le FBI a même lancé une enquête conjointe
avec le service de limmigration, en vue de son
éventuelle déportation.
Il faut dire que dans le climat de paranoïa
qui régnait aux Etats-Unis, spécialement
après la Deuxième guerre mondiale, un
personnage de haut niveau comme Einstein était
le pain et le beurre... des paranoïaques: pacifiste
affiché, ne cachant pas ses sympathies pour les
causes socialistes, lançant à la blague
quil travaillait sur un "rayon de la mort"...
Le tout, de la part de quelquun dont les travaux
avaient conduit à rien de moins que la création
de la bombe atomique. Même avant sa venue aux
Etats-Unis en 1933 après larrivée
au pouvoir dHitler en Allemagne- il sétait
affiché comme un pacifiste, participant à
des manifestations et signant, en 1914, une pétition
contre la guerre toutes des choses qui allaient
figurer, des décennies plus tard, dans son dossier
au FBI.
"Le FBI navait dautre
choix que de le surveiller", explique au Times
lhistorien Richard Gid Powers, auteur dun
biographie de J. Edgar Hoover, directeur du FBI pendant
des décennies. Dans la mentalité de lépoque,
où le simple fait dafficher une opinion
anti-américaine cataloguait demblée
son auteur dans le camp des méchants communistes,
Einstein était une cible rêvée.