L'agriculture prise en otage par le commerce
JOHANNESBURG (Agence Science-Presse) -
La pauvreté ne pourra véritablement être
diminuée quavec un accès à
la terre pour les plus démunis de la planète.
Ce discours, qui dominait pendant les jours précédant
le Sommet de la Terre, vient de passer aux oubliettes.
Deux jours après louverture
de cette Conférence des Nations Unies sur le
développement et lenvironnement, les questions
commerciales ont en effet écrasé les préoccupations
dun développement durable de lagriculture,
de leau, de lénergie, de la santé...
Ce sont les délégations
du Canada, des Etats-Unis et de lAustralie qui
mènent la fronde. Les trois pays industrialisés
ont uni leurs efforts pour abaisser de manière
significative les paragraphes du document de travail
de la Déclaration de Johannesburg qui ne donnent
pas préséance aux accords commerciaux
négociés à Doha, en novembre 2001.
Les délégués de ces
pays, qualifiés "daxes du mal de lenvironnement"
par le groupe écologiste international Les
Amis de la Terre, continuent dassocier toute
aide au développement à la nécessité
pour les pays les moins développés d'éliminer
toutes contraintes tarifaires et autres programmes qui
entravent lexportation des produits et services.
Dans la journée du 26 août, les questions
dune meilleure redistribution des terres, de leurs
accès et dune ouverture des institutions
financières au crédit agricole pour les
femmes sont complètement passées au second
plan.
Des paysans sans terre
Le Mouvement des peuples sans terre de
lAfrique avait pourtant remporté un certain
succès médiatique, avant louverture
du Sommet. La semaine dernière, une manifestation
non autorisée, tenue dans les rues de Johannesburg
a donné lieu à larrestation de 77
personnes. Lune dentre elles, Ann Eveleth,
porte-parole du groupe, est demeurée emprisonnée,
projetant du même coup le mouvement à la
une des journaux.
Lundi, parallèlement à la
Cérémonie douverture du Sommet par
le président Thabo Mbeki, les questions de lagriculture
ont dominé les discussions. Appuyé par
des organisations de défense des paysans de 15
autres pays, dont lUnion Paysanne du Québec,
représentée par Maxime Laplante, le Mouvement
des peuples sans terre a martelé les revendications
des ruraux dà travers le monde : des
terres, de la nourriture, des emplois. "Après
lapartheid, le régime a changé mais
il nest pas plus facile davoir accès
à la terre."
Le mouvement des femmes pour lenvironnement
et le développement suit de très près
les actions de ces "sans terre". Plusieurs femmes étaient
parmi les 77 personnes arrêtées.
Les femmes estiment essentiel que les
lois des pays du Sud soient modifiées pour contrer
de vieilles pratiques culturelles qui les obligent à
cultiver la terre mais jamais sans leur permettre de
la posséder. "Donnez-nous accès aux
terres et au crédit et nous résoudrons
les problèmes de pauvreté", ont-elles
lancé lors dun atelier très fréquenté
portant sur les femmes et la ruralité.
Les questions agricoles ont aussi dominé
la conférence de presse tenue par Ian Johnson,
vice-président au développement durable
de la Banque Mondiale. Celle-ci est accusée de
soutenir lagriculture industrielle au détriment
de celle des paysans. "LAfrique doit refocaliser
sur la productivité agricole si elle veut sortir
de la pauvreté. Pour ce faire, elle a besoin
dune nouvelle révolution", a-t-il
mentionné sans dire clairement si, aux yeux de
la Banque Mondiale, cette révolution inclut lacceptation
des semences génétiquement modifiées.
C'est que peu avant le Sommet, trois pays d'Afrique,
le Mozambique, le Zimbabwe et la Zambie, ont rejeté
laide humanitaire en provenance des Etats-Unis,
parce qu'elle était composée de grains
génétiquement modifiés (voir
ce texte).
Denise Proulx