C'est
peut-être
une autre conséquence
du vieillissement
des baby-boomers,
mais jamais la recherche
scientifique sur
le vieillissement
n'a été
aussi populaire.
Des investisseurs
privés et
publics permettent
à des chercheurs
de toutes disciplines,
de la médecine
à la chimie
en passant par la
pharmacologie, la
psychologie et la
biologie cellulaire,
de se livrer à
de longues et coûteuses
analyses sur des
vers, des souris,
des lapins et des
cellules au fond
d'une éprouvette,
dans l'espoir de
répondre
à l'antique
question: pourquoi
vieillissons-nous?
Plusieurs
réponses
sont connues depuis
des années.
Les généticiens
ont identifié
les télomères,
ces structures qui,
à chaque
bout d'un brin d'ADN,
empêchent
celui-ci de se dégrader;
les biologistes
ont identifié
le processus d'oxydation
d'une cellule -littéralement,
elle "rouille".
Mais qu'est-ce qui
amorce le processus
de dégradation
des télomères?
Peut-on ralentir
la "rouille" de
la cellule? Bien
des recherches ont
démontré
sur ce dernier point
qu'en nourrissant
moins des vers et
des rongeurs, on
les rendait plus
résistant
au stress et, de
là, susceptibles
de vivre plus longtemps.
On sait aujourd'hui
pourquoi, résume
Valter Longo, du
Centre de gérontologie
Andrus, à
l'Université
de Californie du
Sud: les niveaux
de glucose et d'un
facteur de croissance
similaire à
l'insuline diminuent
chez l'animal qui
mange moins, ce
qui atténue
ou ralentit la croissance
de cancers ou la
dégénérescence.
Un
tel savoir est donc
théoriquement
applicable chez
l'humain: non pas
en lui suggérant
de manger peu ou
pas du tout pendant
ses 75 premières
années, mais
en préparant
des médicaments
qui cibleraient
précisément
ces niveaux de glucose
et de facteur de
croissance.
Quant
aux gènes,
il y a maintenant
près d'une
décennie
qu'avec l'aide du
ver C. elegans,
des biologistes
comme Siefried
Hekimi, de l'Université
McGill à
Montréal,
ont identifié
des gènes
dont l'activation
ou la désactivation
joue un rôle-clef
dans le processus
de vieillissement.
Mais comme quoi
rien n'est jamais
simple, l'oxygène
joue lui aussi un
rôle-clef,
au plus profond
de la cellule, dans
cette structure
appelée la
mitochondrie, rôle
que l'on commence
enfin à comprendre,
et qui nous renvoie
aux toutes premières
espèces vivantes
ayant commencé
à respirer
de l'oxygène,
il y a des centaines
de millions d'années.
Si la conclusion
de cette quête
est que pour arrêter
de vieillir, il
faut cesser de respirer
de l'oxygène,
on est mal parti...
Les
connaissances progressent
à un rythme
tel que les plus
optimistes parlent
pourtant "du commencement
de la fin" de la
recherche sur le
vieillissement,
notamment dans un
encart
spécial
publié cette
semaine par la prestigieuse
revue américaine
Science (résumé
seulement; nécessite
une inscription
gratuite).
Plusieurs articles
journalistiques
et scientifiques
font le point sur
la recherche, en
plus d'un accès
à diverses
banques de données
spécialisées,
gratuit
pour tous les chercheurs
jusqu'à la
fin du mois.
Mais
la question du vieillissement,
reconnaissent-ils,
ne s'arrête
pas à la
biologie et aux
mystères
de la mitochondrie.
Elle est aussi une
question sociale.
Et, ultimement,
éthique.
Que cherche-t-on
vraiment? Ralentir
le vieillissement
afin d'en éliminer
ses effets les plus
délibitants,
comme l'Alzheimer?
Ou complètement
l'arrêter
et tendre ainsi
à l'immortalité?
C'est un tabou que
contournent prudemment
tous les chercheurs,
dans leurs champs
respectifs, mais
que pose dans Science
un
groupe d'auteurs
piloté par
Eric T. Juengst,
du département
de bioéthique
à l'Université
Case Western Reserve
de Cleveland.
"Les
biogérontologues
et la société
en général
bénéficieraient
de débats
anticipant les conséquences
possibles de ces
recherches. Le vieillissement
tel que nous le
connaissons est-il
une expérience
qui doit être
encouragée
ou découragée,
du point de vue
du bien public?
"De
graves questions
éthiques
surgiraient si des
traitements anti-vieillissement
n'étaient
pas universellement
disponibles, mais
étaient distribués
en réponse
au statut (économique,
social ou politique),
au mérite,
à la nationalité
ou à d'autres
critères.
Si, à l'inverse,
l'accès à
des traitements
anti-vieillissement
devenait illimité,
des changements
sociaux radicaux
prendraient place
à pratiquement
tous les niveaux.
A ce jour, les conséquences
potentielles n'ont
été
que rarement discutées,
et dans des lieux
qui n'atteignent
jamais une large
audience." C'est
donc maintenant
qu'il faut commencer
à penser
aux ramifications
de telles recherches,
avant que les circonstances
n'obligent à
prendre des décisions
à la sauvette,
si jamais elles
doivent être
prises. Des modèles
de forums de discussion,
sur Internet avec
la présence
d'experts ou dans
des communautés
touchées
par l'Alzheimer,
existent déjà.
Les institutions
scientifiques, les
centres de recherche
concernés,
les organismes qui
subventionnent la
recherche, devraient
prendre l'initiative,
eux qui en ont les
moyens et la responsabilité.