La pêche à la morue devrait
être totalement abandonnée, vient de lancer
comme une bombe la Commission européenne. De
part et d'autres de l'Atlantique, le sort des poissons
repose donc maintenant... sur la puissance du lobby
de l'industrie de la pêche.
L'avis, qui est le plus fort jamais lancé
sur ce sujet, provient du comité scientifique
créé à cette fin par la Commission
européenne. Les populations de poissons sont
au bord de l'extinction, y lit-on.
Si la pêche ne cesse pas maintenant,
et si elle ne cesse pas pendant au moins 12 ans, il
n'y aura plus du tout de pêche. Plus jamais.
Déjà, en mai, la Commission
avait envoyé un "plan de sauvetage" des réserves
de poisson au Conseil international pour l'exploration
des mers, basé à Copenhague (Danemark).
Ce plan avait pour proposition principale une réduction
radicale du nombre et de la puissance des bateaux de
pêche qui sillonnent la mer du Nord, la mer d'Irlande
et l'ouest de l'Ecosse, là où les réserves
sont les plus menacées.
Mais
un tel plan ne serait pas suffisant, a répondu
la semaine dernière le Conseil. Des restrictions
aux droits de pêche sont nécessaires, mais
sont en soi insuffisantes pour permettre à la
morue de renaître. Les usines de transformation
de la morue devraient carrément fermer jusqu'à
ce que les réserves de poissons aient récupéré
et c'est ça qui pourrait prendre une douzaine
d'années.
D'après les évaluations
du Conseil, les réserves de morue en 2003 sont
de 66% inférieures aux prévisions qui
avaient été faites par les scientifiques
l'année précédente. Un abîme.
Sans compter que les morues adultes pêchées
dans la mer du Nord en
2003 sont les plus petites jamais pêchées.
En fait, en mer du Nord, on comptait en 2002 moins de
jeunes que ce qui avait prévu. Les réserves
sont également loin en-dessous du seuil minimum
de 70 000 tonnes. Rien qu'au voisinage de l'Écosse,
les réserves seraient actuellement de 2500 tonnes,
alors qu'on prévoyait, en octobre dernier, qu'elles
seraient à 6700 tonnes.
Inutile de dire que les pêcheurs
protestent contre la perspective d'un moratoire. En
fait, ils avaient commencé à protester
en octobre, lorsque des rapports préliminaires
du Conseil international pour l'exploration des mers
avaient laissé entendre que la pêche à
la morue devrait être arrêtée temporairement.
C'est pour mettre fin aux protestations des pêcheurs
que la Commission européenne avait alors opté
pour un compromis: juste une réduction de 65%
des quotas pour la mer du Nord.
Et puis non, disons plutôt une réduction
de 45%, avaient ensuite décidé les ministres
européens des Pêches, en décembre.
A présent, des rapports scientifiques
encore plus accablants sont là. La situation
est "catastrophique" déclare le commissaire européen
aux pêches, Franz Fischler. Celui-ci, juridiquement,
a le droit d'imposer de son propre chef un moratoire
de six mois sur les pêches. Mais même s'il
prenait cette décision, rien ne garantirait que
les ministres des Pêches ne rétabliraient
pas le droit de pêcher immédiatement après,
sans tenir compte de l'avis de leurs scientifiques.
Le poids du lobby de la pêche, au
cours des prochaines semaines, déterminera donc
l'avenir, pour les siècles à venir, des
populations de poissons...