La solution à une énigme
vieille comme le monde serait-elle aussi simple? Un
simple débalancement moléculaire expliquerait
qu'une personne soit poussée au suicide lorsqu'un
drame la frappe, tandis que sa voisine, victime du même
drame, passe au-travers avec bien moins de dommages?
Les scientifiques qui se sont penchés
sur le gène 5-HTT ne s'aventurent pas jusque-là,
mais sont tout de même convaincus d'avoir mis
le doigt sur une partie de la clef de l'énigme.
A défaut d'avoir toute la clef.
Le gène en question peut se présenter
sous deux versions. Sous sa version "longue", la plus
"protectrice", il encode un élément chimique
le 5-HTT qui a pour fonction d'ajuster les
niveaux de sérotonine dans notre cerveau. La
sérotonine est ce qu'on appelle un neurotransmetteur:
elle est au coeur de l'activité de notre système
nerveux, et entre autres multiples choses, un manque
de sérotonine est associé à la
dépression: un antidépresseur comme le
Prozac a précisément pour fonction de
mousser la production de sérotonine.
Sous sa version courte, le gène
en question n'encode pas cet élément chimique.
Les
niveaux de sérotonine risquent donc de s'en trouver
débalancés, et la porte est grande
ouverte à la dépression.
Le mot-clef ici est toutefois: les niveaux
RISQUENT d'être débalancés.
Autrement dit, le fait d'avoir à l'intérieur
de soi la version courte, donc la version défectueuse,
du gène, ne signifie pas automatiquement que
l'on sera une personne dépressive. Mais le risque
serait deux fois plus élevé.
La description de ces deux versions est
parue dans la dernière édition de la revue
Science, sous la plume d'une équipe dirigée
par Avshalom Caspi, du Centre de recherche psychiatrique
au Collège King's de Londres. La différence
entre les versions courte et longue réside plus
précisément dans les allèles, une
structure spécifique aux gènes. L'étude
est basée sur des données médicales
de 847 Néo-Zélandais suivis par des médecins
pendant deux décennies: ont été
pris en compte des événements dits "stressants"
aussi divers que des peines d'amour et des crises survenues
au travail, en autant que ces événements
soient survenus entre les âges de 21 et 26 ans.
La découverte pourrait être
le premier pas vers une percée spectaculaire
dans le traitement des problèmes psychologiques:
c'est en tout cas, de l'avis des experts interrogés
notamment par la BBC et
la revue Science, le "plus gros poisson"
pêché jusqu'ici dans l'océan de
nos gènes qui puisse être lié aussi
directement à ce que tentent de traiter les psychiatres
depuis l'époque de Sigmund Freud.