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semaine du 22 décembre 2003



La femme de Jésus

Après des siècles d'obscurité, Marie-Madeleine est devenue cette année une véritable star. Elle a fait la couverture du magazine Newsweek, la télé lui a consacré des reportages et des tas de gens redécouvrent ce qu'ils croient être ses paroles perdues. La cause de tout ce brouhaha: un roman, The Da Vinci Code. L'auteur, Dan Brown, y met en scène une rumeur scandaleuse sur un homme de pouvoir: Jésus. Marie-Madeleine aurait été son "amie très spéciale", voire son épouse.

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The Da Vinci Code , qui figure sur la liste des best-sellers depuis le printemps dernier, s'ouvre sur l’assassinat d’un conservateur du musée du Louvre et la découverte, près de son cadavre, d'un mystérieux code semblant révéler un secret étonnant sur cette Marie, originaire du village de Magdala.

Mais en fait, pour les historiens et les chercheurs en sciences religieuses, ce "secret étonnant" n'en est pas un. L'hypothèse d'une relation intime entre Jésus et Marie-Madeleine remonte à plusieurs siècles et la liste de livres publiés, uniquement ces 20 dernières années, est considérable (http://www.magdalene.org/booklist.htm). Il existe même deux sites web spécialement consacrés à cette mystérieuse femme, www.magdalene.org (depuis 1997), et en français, www.marie-madeleine.com.

Des chercheurs ont fait de Marie-Madeleine le centre de leurs travaux, et les études féministes s'y intéressent tout particulièrement. L'historienne américaine Karen King voit dans l'occultation de ce personnage le résultat de 17 siècles de machisme: le rôle de Marie-Madeleine aurait été balayé peu après l'an 300, parce qu'elle représentait aux yeux des autorités chrétiennes d'alors une "rivale" trop dangereuse pour l'image de Pierre, celui que nous considérons comme le disciple préféré de Jésus, et son successeur –donc, le premier pape.


Les Évangiles oubliés

L'hypothèse faisant de Marie-Madeleine l'épouse de Jésus, ou du moins sa disciple la plus importante –plus importante que Pierre– se perd dans la nuit des temps. Mais elle a gagné de nouveaux adeptes depuis la découverte, en 1945, près de Nag Hammadi, en Égypte, de 46 documents remontant au IIe siècle. Parmi eux, des fragments de récits dont l'existence n'était connue jusque-là que d'une poignée d'universitaires et d'experts bibliques: Évangile de Pierre, Évangile de Philippe… et Évangile de Marie.

Que sont ces documents? Tout simplement d'autres versions de la vie de Jésus qui circulaient à l'époque, au même titre que les Évangiles de Marc, Jean, Luc et Mathieu que nous lisons aujourd'hui. Sans aller jusqu'à raconter une autre histoire de Jésus, ils en font par endroits une interprétation très différente –et dans les Évangiles de Marie et de Philippe, l'influence de Marie sur les autres disciples est bien plus importante que ce que "l'Histoire" officielle en a retenu…

Qui était exactement Marie-Madeleine ? La croyance populaire en fait une pécheresse repentie, une prostituée. Mais même le Vatican a reconnu en 1969 que cette image est fausse: elle date de l'an 591, dans un sermon du pape Grégoire le Grand. Celui-ci aurait alors erronément combiné plusieurs figures féminines des Évangiles, pour n’en former qu’une seule : celle de Marie-Madeleine qui a survécu jusqu'à nous.

En réalité, avec l'autre Marie, mère de Jésus, Marie-Madeleine est la femme la plus présente du Nouveau Testament. Elle est le premier témoin de la résurrection de Jésus ce qui, déjà, lui donne une importance considérable. Il y a consensus parmi les théologiens pour la décrire comme l’une des disciples du Christ et quelques historiens de l'art ont prétendu que c'est elle qu'on peut voir à ses côtés, dans le tableau de Leonard De Vinci, La Dernière Cène. Enfin, diverses légendes lui donnent une vie après le départ de Jésus, soit à Ephèse, soit dans le Sud de la France, où elle serait demeurée dans une grotte, plus de 30 ans (il existe un culte à son sujet dans la petite ville de Rennes-le-Château).

Plusieurs chercheurs ont donc, à partir de là, exploré l'hypothèse que Jésus ait pu être fiancé à l’adolescence, comme la coutume l'exigeait chez les Juifs de l'époque, et ensuite marié lorsqu’il fut en âge de procréer. Et pourquoi pas, qu'il ait eu des enfants…

L’idée se heurte par contre à l'image soigneusement entretenue d'un Jésus célibataire endurci dont la vie fut uniquement consacrée à répandre la parole de Dieu...

Pour bien comprendre ces interprétations divergentes, il faut se replonger dans le contexte des trois premiers siècles du christianisme. Ce nous appelons le Nouveau Testament, qui regroupe notamment les quatre Évangiles "officiels", n'existait pas encore, pas plus que la hiérarchie rigoureuse qui, du pape jusqu'au curé de village, aurait garanti une diffusion uniforme de l'information. Au contraire, a résumé le théologien américain Bart Ehrman (Lost Christianities) au fur et à mesure que les générations s'écoulaient depuis la mort de Jésus, différentes versions de sa vie et de son enseignement apparaissaient ici et là, appuyées ou non sur ces Évangiles aujourd'hui oubliés (il y en a probablement eu beaucoup d'autres dont on n'a pas encore retrouvé de traces). Certaines de ces versions ont même donné naissance à des versions "alternatives" du christianisme: ébionites, marcionites, gnostiques…

C'est le Concile de Nicée, en 325, qui a mis de l'ordre dans tout cela et décrété que, désormais, les Évangiles officiels seraient ceux de Marc, Luc, Mathieu et Jean. Le Nouveau Testament tel que nous le connaissons est donc l'aboutissement de débats –peut-être houleux– qui ont eu lieu à ce moment –et qui duraient sans doute depuis un bon moment. Ce qui, si l'on accepte le point de vue féministe, pourrait expliquer le sort qui a ensuite été réservé à Marie-Madeleine: comme le rappelle l'historienne Karen King, "l'Histoire, comme nous le savons, est racontée par les vainqueurs. Dans le cas des premiers Chrétiens, cela signifie que (depuis cette époque) plusieurs voix présentes dans ces débats ont été réduites au silence, par répression ou négligence."

Jacqueline Bousquet

 

 

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