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semaine du 6 décembre 2004



Bombe atomique: à qui le tour?

L'Iran joue-t-il au chat et à la souris avec l'arme atomique? C'est bien possible. Mais l'Iran est loin d'être seul. Si la tendance se maintient, elles seront bientôt 40 nations à se partager la Bombe.

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Les nouvelles sont mauvaises, en dépit des dénégations de l'inspecteur en chef de l'ONU, Mohammed ElBaradei, selon qui l'Iran offre un accès complet à ses inspecteurs. Au contraire, selon la chaîne de télé Al-Jazira, qu'on ne peut tout de même pas accuser d'être biaisée en faveur des Américains, "l'Iran bloque aux inspecteurs de l'ONU l'accès à certains sites militaires". Reprenant la même nouvelle, la télé australienne titre plus prudemment que l'Iran "n'est pas obligée", en vertu des règles sur ces inspections, d'ouvrir ses sites militaires. Plus inquiet, le bulletin Israel Insider titre que "un Iran nucléaire constitue une menace extrême pour les Etats-Unis".

Que l'Iran ait ou n'ait pas la bombe importe donc peu: ce sur quoi tout le monde s'entend, c'est qu'il possède la capacité scientifique et technique pour l'obtenir. Et s'il décide de l'obtenir, les inspecteurs de l'ONU ne pourront pas faire grand-chose pour l'en empêcher.


De quoi a-t-on besoin pour fabriquer une bombe?

Relativisons. Aujourd'hui, avoir une bombe atomique, ce n'est pas aussi facile qu'on le prétend dans les films: on ne peut pas voler un missile à tête nucléaire à tous les coins de rues, même dans l'ex-URSS. Mais ce n'est pas non plus si complexe. Il faut réunir trois éléments:

1) Une centrale nucléaire. C'est à partir d'elle que sera obtenu le "combustible" pour la bombe. Et pour bâtir une centrale nucléaire, il faut une certaine infrastructure industrielle (production de graphite, accès aux ressources matérielles, et beaucoup d'argent). On est souvent surpris d'apprendre que les programmes nucléaires pakistanais et lybiens ont été surestimés, dans les années 70, parce que ces pays manquaient d'articles aussi élémentaires que des câbles électriques ou des tuyaux d'acier!

A l'inverse, de nombreux pays industrialisés possèdent un programme nucléaire solide, mais n'ont jamais franchi le pas vers une utilisation militaire du nucléaire. C'est le cas de la Suède et du Canada, qui ont tous deux un programme nucléaire remontant aux années 50. Dans le cas du Canada, il s'agit de la technologie CANDU, vendue entre autres à l'Inde et au Pakistan qui, eux, ont franchi le pas vers la bombe).

2) Le combustible. C'est l'élément capital. L'uranium-238 ou le plutonium, les deux saloperies pouvant être à l'origine de la réaction en chaîne dévastatrice, sont en quelque sorte des sous-produits des centrales nucléaires. Il faut entre deux et six ans de production à une centrale –tout dépendant de la puissance de son réacteur–pour produire de quoi alimenter sa première bombe –c'est dans ces cas-là qu'on parle, dans un détour quasi-poétique, "d'enrichir" l'uranium.

Et c'est là, et seulement là, qu'intervient le droit international: en vertu du Traité de non-prolifération nucléaire de 1970, tout pays doté d'un programme nucléaire doit accepter la visite d'inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), chargés de veiller à ce que ces "sous-produits" ne soient pas récupérés à des fins militaires. Dans le dossier de l'Iran, c'est précisément là que réside en ce moment l'incertitude.


3) Les experts.
Ce n'est pas le premier ingénieur venu qui peut jongler avec l'atome. Il faut réunir plusieurs types d'experts (physique nucléaire, mécanique classique, thermodynamique, théorie cinétique, et la chimie et la métallurgie des éléments transuraniens).

Mais aussi impressionnante que soit cette liste, ces experts sont moins difficiles à trouver que jadis. Deux générations se sont maintenant écoulées depuis l'époque où les universités nord-américaines et européennes ont commencé à ouvrir des programmes de physique nucléaire: c'est largement assez de temps pour qu'un pays mal intentionné se constitue une solide équipe d'experts.

 

***

Bref: est-il encore réaliste de croire au Traité de non-prolifération nucléaire, qui remonte à 34 ans? Ce n'est pas l'opinion des experts en politique internationale qui déclaraient que ce traité ne faisait que retarder l'échéance. Ces experts faisaient cette déclaration il y a... 34 ans!

Chronologie

Octobre 1956: Création de l'Agence internationale de l'énergie atomique, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies. 72 nations, incluant les Etats-Unis (détenteurs de la bombe depuis 1945) et l'URSS (depuis 1949), en sont membres.

1963: Signature du Traité d'interdiction limitée des tests nucléaires, premier traité international à attaquer de front le problème. Interdiction des essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace et sous l'eau.

Mars 1970: Traité sur la non-prolifération nucléaire. Signé par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'URSS. La France, détentrice de la Bombe depuis 1960, ne s'y joindra qu'en 1992.

Juillet 1974: Signature du traité USA-URSS interdisant les tests souterrains.

1986: L'ingénieur israélien Mordechaï Vanunu, qui avait travaillé à l'usine atomique israélienne de Dimona de 1976 à 1985 avant d'émigrer en Australie, révèle que son pays s'est doté de l'arme atomique. Enlevé par les services secrets israéliens, il est condamné à 18 ans de prison.

1998: L'Inde et le Pakistan font exploser leur première bombe.

 

Certes, à l'époque, signer pareil traité était tout sauf évident. Le Traité de non-prolifération nucléaire est "un des plus grands succès de l'histoire du contrôle des armements", titre, étonnamment, un journal destiné à la diaspora iranienne.

De fait, dans les années 50 (l'AIEA a été fondée en 1957), alors que les Etats-Unis et l'URSS, ennemis jurés, venaient de se doter de l'arme nucléaire, alors que les Britanniques, les Chinois et les Français tentaient d'avoir la leur, réussir à faire signer un tel traité par des dizaines de nations relevait de l'utopie.

Contre toute attente, ce Traité a pourtant réussi à maintenir le couvercle sur la marmite: pendant trois décennies, des nations aussi disparates que l'Afrique du Sud, l'Irak, l'Algérie, la Corée du Sud, Taïwan, l'Argentine et le Brésil qui, toutes, avaient la capacité de développer des armes nucléaires, et dans certains cas, ont même tenté d'en développer, ne l'ont pas fait. Tant bien que mal, elles se sont conformées aux directives de l'AIEA. De 43 signataires en 1970, le Traité de non-prolifération nucléaire est passé à 96 en 1975 et à près de 190 aujourd'hui.

Mais les événements des dernières années laissent croire que le couvercle n'est plus sur la marmite. Tout d'abord, trois pays n'ont jamais signé le traité, et ce sont des exceptions notables: Israël, le Pakistan et l'Inde, devenus tous trois, dans l'intervalle, puissances nucléaires. La Corée du Nord a annoncé en janvier 2003 son intention de s'en retirer. Il a été confirmé cet automne que la Corée du Sud avait poursuivi, entre 1982 et 2000, un programme secret d'enrichissement de l'uranium, en violation du Traité. Enfin, l'Iran, au stade actuel de développement de son programme nucléaire, serait en théorie capable d'avoir la Bombe en 2007.

AIEA ou pas AIEA, Traité ou pas traité, pressions européennes ou pas, à moins d'une invasion américaine –peu probable– de l'Iran, "la bombe iranienne est inévitable", selon Pierre Hassner, du Centre d'études et de recherche internationale de Paris, interrogé par le journal marocain L'Observateur.

Et puis, il y a un problème plus profond encore. En 1995, plusieurs Etats "sans bombe" avaient accepté la reconduction du traité, à une seule condition: que les puissances nucléaires "originales" (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) s'engagent à désarmer. On connaît la suite...

Pascal Lapointe

 

 

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