Aussi
primitif soit-il des
coquillages percés
d'un trou ce collier
témoigne en effet
qu'à cette époque
reculée, alors
que les humains vivaient
encore dans des cavernes,
qu'ils n'avaient inventé
ni l'arc ni les flèches,
qu'ils étaient
encore à des
dizaines de milliers
d'années de peindre
dans des grottes, il
y avait déjà,
chez eux, un ou des
individus dont les pensées
allaient au-delà
de la chasse et de la
survie. Un ou des individus
chez qui émergeait
un sentiment du "beau".
S'agit-il
d'une parure révélatrice
d'un statut social?
C'est l'hypothèse
qu'avancent prudemment
les chercheurs qui,
dirigés par Christopher
Henshilwood de l'Université
de Bergen, en Norvège,
rapportent cette découverte
dans la revue Science.
On peut par exemple
penser aux colliers
portés par les
prêtres ou les
sorciers lors de certaines
cérémonies.
Découverts
dans la grotte Blombos,
à l'extrême
Sud de l'Afrique du
Sud, ce
sont 41 coquillages
de mollusques, la plupart
de la taille d'un pois
(5 millimètres
de
large) qui se sont révélés
avoir été
percés d'un petit
trou, manifestement
pour pouvoir être
portés en collier
(ou en bracelet). C'est
la plus ancienne forme
de bijou jamais retrouvée,
et de loin, puisqu'en
Europe et en Afrique,
les plus anciens assemblages
similaires n'ont que
30 à 40 000 ans.
Qui plus
est, pour avoir créé
et porté de tels
colliers, il faut que
ces humains aient déjà
développé
une forme de langage,
ne serait-ce que pour
mettre un mot sur ce
qu'ils trouvaient beau.
Ou sur le statut de
celui ou de celle qui
portait ce collier.
Le mollusque
Nassarius kraussianus
d'où provient
ce coquillage vit dans
des estuaires, et
le plus proche estuaire
était alors à
20 kilomètres
de la grotte.
La grotte
Gombos est célèbre
en Afrique du Sud depuis
1997 pour d'autres artefacts
préhistoriques,
en particulier des outils
en os et de la teinture
ocre, sensiblement du
même âge
que les coquillages.
On sait que des humains
ont vécu en Afrique
du Sud depuis au moins
160 000 ans. Il n'est
donc pas impossible
que d'autres découvertes
viennent faire reculer
encore un peu plus la
date où un de
nos ancêtres s'est
émerveillé
devant un coquillage.
Et qu'il ait voulu créer
quelque chose qui transcende
son existence. Une oeuvre.
On ne saura jamais quelles
furent les pensées
qui lui sont alors passées
par la tête: mais
sans l'émergence
de telles pensées
il y a 75 000 ans, Picasso,
Mozart ou Kubrick n'auraient
pas existé.
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