A la mi-juin, 150 villes américaines
ont adopté une résolution par laquelle elles
s'engagent à respecter les objectifs du Protocole
de Kyoto: ce même Protocole que leur gouvernement
fédéral refuse de signer.
Les municipalités ne sont pourtant
pas partie prenante du Protocole de Kyoto. Mais une telle
prise de position, venant de villes telles que Los Angeles,
Boston, New York et Denver, constitue une gifle pour la
Maison-Blanche, que celle-ci n'avait pas venu venir.
La révolte a commencé en janvier
à Seattle, dans l'État de Washington. Dans
son "discours sur l'état de la ville" annuel, le
maire Greg Nickels a demandé: "si le gouvernement
fédéral n'est pas disposé à
signer le Protocole de Kyoto, pourquoi ne pourrions-nous
pas le faire au niveau local?"
Le 30 mars, dix maires représentant
3 millions d'habitants lançaient officiellement un
appel à leurs collègues afin
qu'ils se joignent à un engagement de réduire
de 7% leurs gaz à effet de serre. Aujourd'hui,
ils sont 156 maires représentant plus de 32 millions
d'habitants à avoir signé l'Entente de protection
du climat des maires américains (US Mayors' Climate
Agreement), dont le but est "d'atteindre ou de dépasser
les objectifs du Protocole de Kyoto dans leurs communautés".
Le 13 juin, lors du Congrès annuel des maires, une
résolution en ce sens était adoptée
à l'unanimité.
Parallèlement, un mouvement international,
plus modeste, vient d'émerger: le 5 juin, profitant
de la Journée annuelle de l'environnement des Nations
Unies, 50 maires de plusieurs pays réunis à
San Francisco là même où a été
signée la Charte des Nations Unies il y a 60 ans
signaient les Accords urbains environnementaux (Urban
Environmental Accords). Cette initiative, en préparation
depuis un an, fixe 21 objectifs pour un "développement
urbain durable" (transports publics, parcs urbains, bâtiments
verts, économies d'énergie et d'eau, recyclage,
etc.).
Toujours la Californie
Cette signature mettait fin à une rencontre
de cinq jours ouverte par le gouverneur de Californie, Arnold
Schwarzenegger qui en a profité pour dévoiler
un vaste plan spécifiquement californien de réduction
des gaz à effet de serre: une réduction en
2010 au niveau de 2000, et en 2020 au niveau de 1990. En
2050, si les objectifs sont atteints, les émissions
californiennes devraient être de 80% inférieures
à ce qu'elles étaient en 1990.
L'annonce du gouverneur est ce que les Américains
appellent un Executive order, l'ordre le plus clair
qui puisse être donné par un chef de gouvernement,
mais ne mentionne pas comment ces objectifs pourraient être
atteints.
Mais le signal s'adresse surtout aux gens
d'affaires: se lancer dans la lutte au changement climatique
est essentiel pour la bonne marche future de l'économie.
Le signal est de poids: si elle était un pays indépendant,
la Californie serait la 6e puissance économique mondiale
et le 10e "producteur" de gaz à effet de serre.
A l'autre bout du continent, ce printemps,
le gouverneur de l'État de New York George Pataki
a proposé que son État adopte une réglementation
qui a déjà cours en Californie et qui limite
les émissions de gaz polluants des voitures qui seront
vendues à partir de 2009.
Au Brésil et au Canada
Ces bonnes nouvelles pour la planète
arrivent malgré tout sur le tard. Les plus anciennes
initiatives urbaines sur l'environnement remontent aux années
1980. Toronto avait notamment pris les devant, et les émissions
polluantes de ses industries ont depuis été
réduites de 42%. Mais le manque de fermeté
des gouvernements de l'Ontario et du Canada à se
conformer aux ententes de Rio puis de Kyoto n'a pas aidé.
Et si Toronto est à certains égards très
en avance sur d'autres villes, c'est aussi parce qu'à
beaucoup d'égards, elle fait cavalier seul.
Toronto ne fait pas partie des 50 villes signataires
de l'Accord de San Francisco, pas plus qu'aucune ville canadienne.
Au Brésil, une autre ville est souvent
citée en modèle: Curitiba. Le centre-ville
de cette agglomération de 1,6 million d'habitants
a été interdit aux voitures, des boulevards
ont été réservés aux autobus,
des millions d'arbres ont été plantés
et des bons d'achat pour de la nourriture ou des billets
d'autobus ont été offerts en échange
du recyclage. Résultat, Curitiba a été
qualifiée, lors du Sommet de Rio en 1992, de "ville
la plus verte du monde"... et elle se mérite toujours
ce titre aujourd'hui, comme quoi elle est encore l'exception
et non la règle.
Pendant ce temps au G-8
Il est peu probable que le G-8, qui se réunit
cette semaine en Écosse, tienne compte de ces pressions.
Aux Etats-Unis, les médias ont fait très peu
état de cette rébellion urbaine, et en-dehors
de ce pays, pas du tout. Quant aux amateurs de science qui
en ont entendu parler, ils ne pèsent pas lourd, à
en juger par la facilité avec laquelle la Maison-Blanche
a pu réécrire la science ces dernières
années, dans le communiqué final du G-8 (voir
ce texte) mais surtout dans divers rapports officiels
sur les changements climatiques (voir
ce texte). Il faudra bien d'autres villes et bien d'autres
Californie pour renverser la vapeur.
Pascal Lapointe
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