Il y a exactement un siècle, en cette année
1905, Albert Einstein, 26 ans, n'a pas seulement fait preuve
de génie parce qu'il a redéfini les fondements
de notre univers. Il a fait preuve de génie parce
qu'il a sorti la physique de l'impasse: en effet, en dépit
de ses bonds de géants, elle se heurtait à
des obstacles majeurs qui ébranlaient ses propres
fondations. La Théorie de la Relativité, E=MC2,
la lumière telle que redessinée par Einstein,
tout cela permit à la physique de secouer ses vieux
manteaux et d'affronter le cosmos.
Un siècle plus tard, elle a fait d'autres bonds
de géants, mais elle se retrouve à nouveau
face à des obstacles majeurs.
- Elle a fouillé à l'intérieur
même de l'atome et développé la physique
quantique, mais chaque espoir d'en extraire des applications
concrètes, comme le mythique ordinateur quantique,
semble reculer à mesure qu'on s'en approche.
- Les physiciens ont dûment recensé les
quatre lois qui gouvernent l'Univers gravitation,
électromagnétisme, forces nucléaires
faible et forte mais trébuchent sur ce qui
pourrait unir ces quatre lois. Et les observations astronomiques
de la dernière décennie font même
soupçonner l'existence d'une cinquième loi.
- Les astrophysiciens ont remonté jusqu'aux
origines mêmes de l'Univers, mais se retrouvent
avec des théories contradictoires sur l'origine
elle-même.
L'un des jeunes loups, Nima Arkani-Hamed, 32 ans, un Américain
d'origine iranienne aujourd'hui à l'Université
Harvard, travaille par exemple sur la théorie des
super-cordes celle qui dit que l'ensemble du cosmos
est composé de "cordes", 10 milliards de milliards
de fois plus minces qu'un atome. Si cette théorie
est juste, dans le comportement de ces cordes se trouve
la loi cosmique permettant d'unifier les quatre autres lois.
Mais Arkani-Hamed voit plus loin: ces cordes seraient aussi
une ouverture sur d'autres dimensions, inconnues jusqu'ici
parce que microscopiques, mais dont les variations expliqueraient
certaines aberrations de la gravité. S'il a raison,
le plus puissant accélérateur de particules
du monde, le Large Hadron Collider, en Suisse, pourra
détecter les plus "grosses" de ces dimensions (un
millimètre de large) lors de son entrée en
service en 2008.
Martin Bojowald, un Allemand de 31 ans, à l'Institut
Max-Planck, voit tout aussi loin, mais dans le passé:
il veut percer le mystère du Big Bang. Il a d'ores
et déjà donné ses lettres de noblesse
à la théorie de la boucle gravitationnelle
quantique, un concept nébuleux qui permet de
réécrire les équations d'Einstein pour
qu'elles se conforment à l'univers bizarroïde
de l'infiniment petit. En théorie cela devrait permettre
de calculer ce que les physiciens jugeaient impossibles
à calculer jusqu'ici: l'état de l'univers
au moment précis du Big Bang, moment où les
lois de la physique ne s'appliquent plus.
On n'en est pas encore là, mais Bojowald a ouvert
la porte à la possibilité de conceptualiser,
en chiffres, le moment zéro et peut-être
même "l'avant" Big Bang. Les années à
venir pourraient confirmer s'il est sur la bonne piste.
Et qui sait, alors, ce que les gens de l'an 2105 diront
de la physique du XXIe siècle...
Deux autres valeurs montantes de la physique théorique,
d'après la revue Nature: