C'est une étape aussi importante que
le décodage du génome humain qu'a franchie
la semaine dernière une équipe internationale.
En publiant une carte appelée HapMap, ou carte
haplotype du génome humain, ils se sont approchés
un peu plus d'une compréhension intime de ce qui
fait de nous un individu.
Imaginons que le Grand Livre de la vie soit
un immense ouvrage de référence commençant
par le très général (le premier chapitre)
et poursuivant jusqu'au très spécialisé
(vous). On n'a aucune idée du nombre de chapitres
qui nous restent à lire, mais le décodage
du génome, en 2001, n'aurait été que
le premier chapitre: une carte générale des
gènes d'un seul être humain.
Les généticiens étaient
tout à fait conscients que sur nos 25 000 et quelques
gènes, sur les 3 milliards de paires de base qui
constituent ces gènes, seule une petite partie faisait
toute la différence: ce sont ces variations qui expliquent
la taille, le poids, la couleur de la peau, des cheveux
et des yeux, le risque de tel et tel cancer, la protection
contre tel et tel virus, bref, tout ce qui nous différencie
les uns des autres.
Mais lorsque fut proposée pour la première
fois la cartographie de ces différences, il y a une
décennie, la chose fut d'abord jugée mission
impossible: faudrait-il examiner tous les êtres humains,
un par un? Jusqu'à ce qu'on s'aperçoive, en
2001, que ces variations étaient rassemblées
par groupes, aux mêmes endroits du génome:
c'est ce que les généticiens ont appelé
les blocs haplotypes. Dès lors, il devenait envisageable
de dresser une carte de ces blocs haplotypes, ou carte
haplotype. Le chapitre 2 du Grand Livre de la Vie.
Cibler les maladies
Un travail monumental de trois ans et de 138
millions $, qui
nous approche de la possibilité de cibler des gènes
associés à différentes maladies.
Car c'est cela qui intéresse les investisseurs,
et qui explique que ce consortium international ait disposé
d'assez
de ressources humaines et financières pour compléter
son travail en trois ans: plus de 200 chercheurs dans 15
groupes publics et privés de six pays (Etats-Unis,
qui ont fourni 60 millions$ à travers leur National
Institutes of Health, Canada, Chine, Nigéria, Japon
et Royaume-Uni). Ces chercheurs ont cartographié
les haplotypes de 269 personnes réparties en quatre
lieux (la tribu Yoruba du Nigéria, les Han de Beijing,
les Japonais de Tokyo et des gens de descendance nord-européenne
en Utah), sur
la base de plus d'un million de variations génétiques.
Le décodage, accessible gratuitement à tous
les chercheurs de la planète, fait l'objet de trois
articles et de la
Une de la dernière édition de la revue Nature.
Lors du décodage du génome humain,
les optimistes avaient proclamé prématurément
qu'en théorie, il serait possible un jour, en analysant
l'ADN d'une personne à sa naissance, d'évaluer
ses facteurs de risque (asthme, diabète, problèmes
cardiaques, ainsi que sa réponse à des produits
toxiques ou des facteurs environnementaux). Ainsi que toujours
en théorie de corriger ses défauts génétiques.
On peut aussi prescrire des médicaments en fonction
de la carte génétique d'un individu. C'est
la mythique "médecine personnalisée" que la
génétique promet depuis une décennie.
Tout cela demeure un objectif encore lointain.
N'empêche que les même les revues d'économie
ont parlé de la carte HapMap ces derniers jours:
"étant donné le rythme extrêmement lent
de la recherche pharmacologique, il faudra probablement
une décennie ou deux avant que de nouveaux traitements
n'émergent des données HapMap", prévient
par exemple Business Week.
La carte HapMap publiée cette semaine
n'est que la première version. Une version "à
plus haute résolution" devrait être publiée
l'an prochain. Des données préliminaires provenant
de cette phase deux ont déjà commencé
à être publiées dans la base de données
commune.
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International HapMap
Consortium, "A haplotype map of the human genome," Nature,
Vol. 437, pp. 1299-1319, 27 octobre, 2005.
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V. Cheung et al., "Mapping
determinants of human gene expression by regional and
genome-wide association," Nature,
Vol. 437, pp. 1365-1369, 27 octobre, 2005
Pascal Lapointe