| Semaine du 3 août 98 |  |
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(ASP) - C'est une hypothèse qui remonte au débu des années 60: la vie sur Terre serait originaire de l'espace. Des acides aminées, comme on en retrouve parfois dans les météorites, vagabondant dans l'infini, se seraient un jour retrouvées au sein de météorites ou de comètes, lesquelles, en tombant sur la Terre il y a 4 milliards d'années, auraient "ensemencée" celle-ci. Les acides aminés sont une des briques indispensables à la "construction" d'êtres vivants. Eh bien, cette théorie vient d'obtenir quelques arguments en sa faveur. Dans la dernière édition de la revue Science, pas moins de trois articles tournent autour de ce thème, dont un qui présente ce que les chercheurs affirment être "les premières preuves". L'équipe d'astronomes, dirigée par Jeremy Bailey, de l'observatoire anglo-australien de Sydney, en Australie, part d'un mystère qui hante depuis le XIXe siècle les biologistes évolutionnistes: pourquoi les acides aminés sont-ils tous "gauchers"? Il faut en effet savoir que chaque acide aminé existe en deux versions, comme si l'un était le reflet de l'autre. D'où l'habitude prise de dire qu'il existe un "gaucher" et un droitier". Bien qu'on en retrouve des deux types dans la nature, étrangement, presque toutes les créatures vivantes -incluant vous-même- ne sont composées que d'acides aminés "gauchers". En 1969, plusieurs biologistes avaient été lancés sur la "piste cosmique" avec la météorite Murchison, tombée cette année-là en Australie. A l'intérieur se trouvaient des acides aminés, où les "gauchers" l'emportaient en nombre sur les "droitiers". Plusieurs en concluèrent que cette domination des "gauchers" chez nous était donc le résultat d'un ensemencement venu de l'espace. Les premières créatures terrestres, il y a 4 milliards d'années, nos ancêtres à tous, se seraient retrouvées peuplées de gauchers, tout simplement parce que ceux-ci étaient supérieurs en nombre. Mais pourquoi étaient-ils supérieurs en nombre sur cette météorite, si ils sont en nombre égal dans la nature? Eh bien, on connaît un élément destructeur de l'une ou l'autre de ces deux versions: la lumière. Ou plus exactement une forme particulière de lumière, appelée lumière polarisée circulairement. Le travail de l'équipe d'astronomes de Jeremy Bailey consistait donc à prouver la validité de cette hypothèse. Et leur preuve, c'est que cette hypothétique lumière polarisée circulairement existe bel et bien, et mieux encore: qu'elle existe en quantité impressionnante dans des régions où pullulent les jeunes étoiles. En observant une telle région, appelée OMC-1, dans la nébuleuse d'Orion, les astronomes se sont aperçus qu'elle baignait littéralement dans cette forme de lumière. Une lumière polarisée de telle façon qu'elle détruira les acides aminés "droitiers" et laissera intacts les autres. Conclusion: à l'époque où notre Soleil était lui-même une étoile jeune, il y a 4 milliards d'années, son environnement devait baigner dans une telle lumière, et les acides aminés qui s'y promenaient devaient par conséquent être en grande majorité "gauchers". C.Q.F.D.
Encore du chemin à faire Ceci dit, cette découverte, si elle donne du poids à l'hypothèse de la vie originaire de l'espace, ne démontre pas que cette hypothèse est bel et bien juste. A supposer que les acides aminés aient été amenés ici par des comètes ou des météorites, y en aurait-il eu suffisamment pour que la Terre soient ensemencée -compte tenu du taux d'échec... astronomique en pareil cas. Et comment les acides aminés ont-ils pu se libérer du roc où ils étaient emprisonnés? Ce "débalancement" gauche-droite, est-on si sûr qu'il se serait maintenu à travers les âges? C'est la raison pour laquelle, dans cette même édition de Science, un autre article continue d'explorer une hypothèse plus "classique" quant à l'apparition de la vie: celle des volcans. Claudia Huber and Gunter Wachtershauser, de l'Université technique de Munich, ont travaillé sur une méthode pour convertir les acides aminés en peptides, en les plaçant dans des conditions similaires à celles qu'on retrouve dans les volcans. Les peptides constituent l'étape suivante sur la voie de la construction de la vie, entre les acides aminés et les protéines. Il y a longtemps que les biologistes supposent que l'activité sismique et volcanique qui bouleversait notre planète à l'aube de son histoire a pu agir comme catalyseur nécessaire à l'apparition de la vie, mais jamais encore ils n'avaient pu aller aussi loin dans la "reproduction" de ce qui a pu se passer dans la "soupe primordiale" d'il y a 4 milliards d'années. Interrogé par le réseau ABC, Wächtershäuser reconnaît que son expérience ne fournit pas le moindre élément de réponse au mystère des acides aminés "gauchers". Mais il tient mordicus à sa théorie suivant laquelle il n'est pas nécessaire de regarder au-delà de notre planète pour expliquer les origines de la vie. Pour lui, la cause est entendue: "la vie a démarré sur le site de volcans sous-marins". Mais s'il a raison, il ne peut évidemment répondre à la question initiale: les acides aminés qui se trouvaient au sein de ses volcans, eux, d'où venaient-ils?
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