Semaine du 10 janvier 2000

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La fin du monde était pour hier


O
r donc, l'apocalypse ne s'est pas produite. Les ordinateurs n'ont pas flanché, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Sauf que le temps des règlements de compte ne fait que commencer. Aux quatre coins d'Internet, des internautes commencent à poser des questions embarrassantes.

 

On ne saura sans doute jamais le fin mot de cette histoire. Mais une chose est sûre, l'explication classique ("c'est parce qu'on s'était bien préparés qu'on n'a pas eu de problèmes") sonne faux: on nous répétait depuis des mois que la Chine et la Russie n'étaient pas bien préparées du tout et pourtant, il ne s'est à peu près rien passé là-bas non plus.

Il est assez ironique de lire un internaute, dans le forum de discussion du cyber-magazine Multimédium le 3 janvier, accuser de pensée unique les médias qui dénigrent aujourd'hui le bogue alors que s'il y en a un qui n'a jamais été remis en question depuis deux ans, c'est bien le bogue !


Le coupable: l'absence d'esprit critique

Pour s'en faire une idée, il suffit d'aller voir la page spéciale "an 2000" du magazineWired. Elle prend un tout autre sens, depuis qu'on est passé de l'autre côté du miroir : farcie d'articles où un risque d'apocalypse n'attend pas l'autre, elle passe tour à tour de la paranoïa la plus délirante aux peurs les plus irrationnelles. Tout dans les titres et dans le ton employé, laisse croire à un désastre inéluctable. Pas un seul de ces textes ne laisse soupçonner qu'on se soit un seul instant demandé, chez Wired: "... et si on avait exagéré un tantinet?"

Il faut dire que ses lecteurs de longue date n'ont pas de quoi s'en étonner. Pour tout ce qui touche à la technologie, Wired possède autant d'esprit critique qu'un hippopotame a de grâce.

N'empêche qu'il y a de quoi en être irrité, par exemple lorsque, plutôt que de nous dire qu'il ne s'est rien passé en Asie le 1er janvier, le magazine préfère commencer son reportage par: "Le bogue de l'an 2000 demeure pour l'instant caché, à travers l'Asie..."

Les collègues du service de nouvelles ZDNet France ne cédaient pas leur place, eux qui affichaient toujours, le 2 janvier: "An 2000: derniers préparatifs avant l'implosion".

Conscient qu'il était en train d'être présenté comme le roi des idiots, l'informaticien canadien Peter de Jager, qui fut l'un des premiers (dès 1993!) à tirer la sonnette d'alarme du bogue, a écrit le 2 janvier un texte intitulé: "Pourquoi n'y a-t-il pas de chaos?" On peut y lire, entre autres: "Toute cette excitation... a obligé les dirigeants compétents à examiner leurs systèmes informatiques en se posant une seule question. Est-ce que cette chose appelée le bogue de l'an 2000 pose une menace aux ordinateurs qui bénéficient à l'organisme? Si la réponse est oui, alors ils ont pris des actions appropriées. Si la réponse est non, alors ils l'ont ignorée avec raison."

Intéressant. Mais peut-être aurait-il fallu le dire plus tôt à ceux qui avaient été convaincus, eux, que s'ils ne dépensaient pas un sou, ils passeraient pour des incompétents...

Peter de Jager est ce même informaticien derrière le site au nom de domaine facile à retenir, www.year2000.com, genre de centre d'achat virtuel des compagnies, livres et autres produits liés au bogue. Lequel nom de domaine, en décembre, a été vendu par de Jager pour la modique somme de 10 millions $ US. Dans d'autres professions, on appellerait ça un conflit d'intérêt...

Il ne s'agit pas de prétendre que nous nous sommes fait arnaquer. Bien sûr qu'il y en a eu, des bogues. Un site se fait même un plaisir de les recenser. Mais ce sont des "bogues" avec un b minuscule: un magasin vidéo du New Jersey a voulu facturer 91 000$ pour une cassette remise avec 100 ans de retard. La radio de la BBC et le site de Star Trek ont affiché "1er janvier 1900". Pas de quoi paralyser les marchés financiers, provoquer des pannes d'électricité ou lancer des missiles nucléaires... Et c'est sans compter les prédictions encore plus apocalyptiques, que les experts ne prenaient pas au sérieux, mais qui n'en étaient pas moins émises par d'autres "experts": crise économique de 10 ans, New York transformée en Beyrouth, épidémies planétaires...


L'apocalypse est remise à une date ultérieure

Tiens, touchons-en un mot, de ces prophètes d'apocalypse. On avait déjà parlé d'eux lors de l'éclipse solaire d'août dernier. On ne peut s'empêcher de constater qu'ils ont un point commun avec tous les prophètes de fin du monde que les sociétés ont engendrés, depuis l'aube de l'histoire: lorsqu'ils s'aperçoivent que rien ne s'est passé, ils se découvrent des échappatoires. Et leurs disciples, loin de vouloir les lyncher, rentrent tranquillement à la maison, et attendent la prochaine prophétie.

Le fait qu'il ne se soit à peu près rien produit dans les pays où si peu de précautions ont été prises suggère au communicateur scientifique américain Russ George une comparaison avec les placebos -les fausses pilules utilisées pour tester de nouveaux médicaments: si les patients ayant pris le placebo se portent aussi bien que ceux qui ont pris la vraie pilule, c'est que l'efficacité de celle-ci laisse à désirer... "Il semble que la quantité de problèmes attribués au bogue dans les pays qui ont employé la pilule coûteuse soit insignifiante par rapport à ceux qui n'ont pratiquement fait aucun effort."

Science surnaturelle

Donc, pas de Bogue, que des petits bogues. La question de départ reste par conséquent entière : aurions-nous exagéré ? Etait-il nécessaire d'aller si loin dans l'enflure ? Etait-il inévitable de ne retenir dans les reportages que le scénario du pire ? Comment expliquer que tant de journalistes, mais aussi de simples citoyens, aient pu croire qu'un ascenseur pourrait tomber, ou qu'un pace-maker cesserait de fonctionner, juste parce que ces appareils ne sauraient plus quelle date on est? Il n'est pourtant pas nécessaire d'avoir la moindre connaissance en informatique pour se servir de son gros bon sens...

À moins que, justement, nous ne soyons tellement intimidés par la science et les techniques que nous assimilions cela à du surnaturel ?

Si c'est là que réside la réponse, préparez-vous, parce que des prophètes d'apocalypse, il y en aura d'autres au XXIe siècle -comme il y en a eu depuis l'aube de l'histoire- et ceux-là utiliseront en abondance des arguments scientifiques et techniques. Le bogue de l'an 2000 n'était peut-être qu'un avant-goût...

Recherche et rédaction: Pascal Lapointe

 

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