Une maladie de boeufs
chez les humains
(ASP) - D'un côté, il y a la
maladie de Johne chez les ruminants. De l'autre, la maladie
de Crohn chez les humains. Deux maladies, mais des symptômes
similaires, des mêmes douleurs au même endroit,
et une bactérie qui est presque la même dans
les deux cas. Et le Québec est maintenant, avec
le Manitoba, la province la plus touchée par la
variante humaine.
S'agit-il d'une maladie transmissible du
buf à l'homme, ce qui serait un phénomène
extrêmement rare et extrêmement inquiétant?
On tente de dire oui depuis plus de 90 ans
mais
en laboratoire, la bactérie ne se laisse pas connaître
aussi facilement.
La maladie de Crohn, celle des humains,
est caractérisée par lulcération
de lintestin, provoquant des douleurs extrêmes
et la débilité. La maladie de Johne cause,
entre autres chez le buf, le dépérissement
et la diarrhée.
" Le mycobacterium avium
est une bactérie qui se concentre dans lintestin
et qui serait à la base des deux maladies, explique
Michel Bigras-Poulin, chercheur au Laboratoire de lutte
contre les zoonoses alimentaires de Santé Canada
à Saint-Hyacinthe. Elle est dabord transmissible
chez lanimal, si ce dernier est en contact avec
des carcasses danimaux contaminés."
L'abattoir est donc une zone particulièrement "à
risque".
"Mais ce qui est inquiétant
pour lhomme, si l'on confirme un lien entre les
deux maladies, cest que le microbe en question résiste
à la pasteurisation. Ce qui veut dire que le lait
de consommation pourrait contenir ces bactéries
également. " Si la contamination sur une ferme
va au-delà de labattoir, dautres animaux,
dont des vaches laitières, pourraient en effet
être affectés par la maladie.
De 70 à 80% des patients atteints
de la maladie de Crohn doivent subir une chirurgie avant
que la maladie atteigne un stade incurable. À la
suite de quoi, 80% de ces patients ont une ou des récurrences
nécessitant dautres opérations.
La pointe de liceberg
Michel Bigras-Poulin travaille actuellement
à lanalyse du cheptel laitier québécois
pour analyser les risques de contamination. En marge de
ces travaux, il a également analysé leau
des rivières et des étangs à proximité
des fermes qui représentaient un risque. Ce qui
en ressort : le microbe peut survivre hors de lanimal
pour de longues périodes, soit 163 jours dans de
leau de rivières et 270 jours dans un étang.
Mais comment savoir quel animal est à
risque? Selon son étude, seul un animal sur 50
avait atteint le stade clinique de la maladie. Le reste
du cheptel était peut-être porteur du microbe,
mais son incubation est lente : de deux à
quatre ans.
Conséquence : lAgence
canadienne dinspection des aliments, constatant
le risque de transmission mais nayant pas de confirmation
du lien entre les deux maladies, offre un programme volontaire
déradication de la maladie. En dautres
mots, c'est au choix de l'éleveur.
Le possible lien entre les deux maladies
est un vieux sujet de recherche. Lhypothèse
a été lancée pour la première
fois en 1913 dans le British Journal of Medecine.
Seulement voilà : "durant toutes
ces années, les résultats finaux nont
jamais concordé, car la bactérie était
difficile à cibler et les moyens de tester lhypothèse
ny étaient pas ", explique Marcel
Behr, professeur de biologie moléculaire à
lUniversité McGill.
Des problèmes qui subsistent encore
aujourdhui : "la bactérie
qui serait à la base des deux maladies est difficile
à détecter. Pour atteindre un stade de développement
qui la rende analysable en laboratoire, cela peut prendre
jusquà six mois ", conclut Michel
Bigras-Poulin.
Alexandre Benoît