Violence conjugale
Comprendre l'inacceptable
(Agence Science-Presse) - "Un homme abat
son ex-femme réfugiée à Baie-Comeau".
Derrière les titres des journaux se profile une
violence conjugale qui touche de nombreux Québécois:
4% des infractions au Code criminel chaque année.
Comment expliquer ce dramatique événement?
Comment le prévenir?
"Pour faire le suivi des hommes dangereux
et des conjoints violents, il nous faut installer une
espèce de toile pour que chaque milieu cesse de
travailler de manière isolée", pense
Pierre Potvin, professeur au département de psycho-éducation
à l'Université du Québec à
Trois-Rivières. Il participe à un projet
de deux ans (2004-2006) pour améliorer la sécurité
des victimes de violence conjugale rassemblant les centres
La Séjournelle de Shawinigan (pour les femmes victimes),
L'Accord-Mauricie (pour les hommes violents), l'UQTR et
le Centre national de prévention du crime.
La violence conjugale se distingue des conflits
de couple ou des chicanes de ménages. Il s'agit
d'un événement extrême. "On assiste
à un processus de domination, que cela soit physique,
psychologique, sexuelle ou économique, ou une combinaison
de ces facteurs. C'est un rapport de force avec un dominant
et une victime", explique le chercheur.
Malgré les quelque 16 458 victimes
en 2003 au Québec, la violence conjugale reste
difficile à identifier. "La dynamique du couple
s'établit graduellement. Les mécanismes
sont parfois subtils et la victime ne prend pas tout de
suite conscience de la situation."
Violences faites aux femmes
Et la victime s'avère le plus souvent
la conjointe. Selon les statistiques 2003 du Ministère
de la sécurité publique du Québec,
les femmes sont cinq fois plus victimes dun crime
contre la personne commis par un conjoint, un ex-conjoint
ou un ami intime. Les hommes composent 86% des auteurs
présumés de violence conjugale.
Le Ministère de la justice du Canada
fournit également quelques éléments
tirés de l'Enquête sociale générale
sur la victimisation (1999) menée auprès
de 26 000 Canadiens. La violence faite aux femmes tend
à être plus sévère et répétée
que celle faite aux hommes. Elles courent six fois plus
de risques de signaler avoir été agressées
sexuellement, cinq fois plus d'avoir été
étouffées, plus de deux fois plus d'avoir
été battues, beaucoup plus de risques de
craindre pour leur vie, ou de craindre pour leurs enfants
par suite de l'agression. Lorsqu'il y a violence psychologique,
elle est généralement à un niveau
plus élevé pour les femmes (menaces, violence
économique, destruction de biens, humiliation,
etc.). Enfin, elles courent davantage de risques de se
faire tuer par leur conjoint.
Les travaux de Pierre Potvin visent à comprendre
les rapports de force dans un couple. Évidemment,
l'objectif reste d'être capable d'arrêter
la violence conjugale et de protéger les
victimes. Pour cela, "il n'y a pas une intervention
unique mais une gamme d'actions : offrir une protection,
les moyens de se défendre, de se rebâtir
un réseau, etc. Mais aussi faire collaborer
les milieux d'intervention" insiste Pierre Potvin.
Le projet de recherche s'inspire du modèle
Domestic Abuse Intervention Project à
Duluth, Minnesota, qui, depuis plus de 20 ans, propose
des voies pour réseauter les intervenants
: policiers, centres d'hébergement, maison
d'aide aux hommes violents, etc.
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À
consulter :
Site
du modèle de Duluth
Le
site du Ministère de la justice consacre
une section à la violence familiale,
où l'on trouve des informations sur la violence
conjugale
Enquête
sociale générale sur la victimisation
[ESG]
Sur
le site du Ministère de la sécurité
publique, les
statistiques 2003 sur la violence conjugale
(avec un portrait régional de la situation)
Le
Centre
national d'information sur la violence familiale
Page
du Pr Pierre Potvin
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Collaborer pour prévenir
Il serait ardu d'appliquer ici tel quel
le modèle de Duluth car les lois diffèrent.
Par exemple, un système informatisé centralisé
ne pourrait pas se construire au Québec en raison
de la Charte des lois et des libertés et de la
confidentialité des informations personnelles.
De plus, la justice peut être à double tranchant,
l'avocat de la défense pouvant consulter des éléments
de dossier que la sécurité de la victime
tendrait à rendre inaccessibles. L'échange
d'informations reste un terrain complexe à délimiter.
La collaboration des intervenants s'avère
la clé de voûte pense Pierre Potvin. "
Les intervenants des différents secteurs nourrissent
la conception de notre outil d'évaluation et de
suivi... Pas seulement le réseau policier, il faut
également que les centres d'hébergement
de femme travaillent avec ceux des hommes violents. La
circulation d'informations permettra une meilleure compréhension
et nous permettra de devenir plus efficace."
Le chercheur avance qu'un organisme indépendant
pourrait recueillir et gérer les informations,
ce qui suppléerait au système informatique
à l'américaine.
Pour l'instant, le projet se développe
à petite échelle dans la région de
Shawinigan. L'étape suivante sera de le diffuser
plus largement au sein d'autres régions. Il faudra
encore, si tout se passe bien, l'adapter à d'autres
communautés, multiethniques ou au sein des milieux
gais et lesbiennes. Là aussi, la violence frappe
derrière les tentures fermées.
Isabelle Burgun