Apprendre avec papa
(Agence Science-Presse) - Un, deux, trois,
hop ! Le père lance son bébé dans
les airs tandis qu'à l'autre bout de la pièce,
la mère anxieuse ferme les yeux. "Les pères
entretiennent une relation plus ludique avec leur enfant.
Ils jouent à des jeux plus risqués et les
poussent à maîtriser leurs frayeurs", affirme
Guadalupe Puentes-Neuman.
Cette professeure au département
d'études sur l'adaptation scolaire et sociale de
l'Université de Sherbrooke se spécialise
dans le développement affectif et la relation parent-enfant.
À la demande du Réseau de la Santé
et des services sociaux, son équipe a créé
des ateliers destinés aux pères seulement,
Avec papa, c'est différent!
Malgré une récente ouverture, la majorité
des programmes québécois sont axés
sur la mère et son enfant. Les ateliers qui
se destinent à outiller les parents, particulièrement
ceux à faible revenu ou appartenant à
une réalité dite "à risque" (toxicomanie,
faible scolarité, chômage, etc.) ne visent
généralement pas le père. Les
intervenants (psycho-éducatrices, infirmières,
travailleuses sociales) sont principalement des femmes.
Ce sont elles également qui animent les ateliers
bébés. |
A
visiter:
La
page de Guadalupe
Puentes-Neuman
|
Dans un premier temps, l'équipe de
recherche a organisé onze focus group avec
46 papas et 38 intervenants de trois régions: l'Estrie
qui offre peu de services aux pères, la Montérégie
qui a déjà eu de telles actions et Lanaudière,
qui possède des groupes de pères. Ces rencontres
préparatoires visaient à identifier les
raisons qui démotivent les pères à
participer à des ateliers parent-enfant, les activités
qu'ils souhaitent voir au programme et le rôle qu'ils
estiment être le leur. Les hommes se déclarent
gênés d'être en minorité parmi
des femmes, dont plusieurs allaitent, et ne désirent
pas recevoir de "leçons" pour élever leur
enfant. Les marionnettes et autres berceuses sont également
décriées. Bref, ils trouvent ça "plate".
"Ils veulent avoir du plaisir, des activités
plus risquées. Ils se demandent aussi comment s'insérer
dans la relation mère-enfant. Ils ne voient pas
leur rôle comme un support à la maman mais
désirent une relation particulière avec
l'enfant", rapporte Guadalupe Puentes-Neuman. Autrement
dit, les pères se déclarent en faveur d'un
service de loisirs plus que d'un programme d'aide.
La sortie du samedi matin
Depuis novembre, neuf papas d'enfants d'un
à deux ans fréquentent le CLSC des Maskoutains
à St-Hyacinthe, 13 celui de la Vallée des
Forts à St-Jean-sur-Richelieu et six celui de Longueuil-Ouest,
un samedi sur deux. D'ici juin, 15 ateliers axés
sur le développement moteur et les jeux physiques
seront offerts. Au programme : courses de panier à
linge, glissades sur serviette de plage, fabrication et
destruction de cabanes en boîtes de carton,
peinture au sol, etc. Il y aura aussi des activités
plus "classiques" comme reconnaître les cris des
animaux. Avec la halte-garderie pour les enfants plus
âgés, le transport et la flexibilité
le père n'a l'obligation d'assister qu'à
dix des 15 ateliers tout est mis en place pour séduire
les papas.
"Dans les milieux plus défavorisés,
l'engagement paternel est faible. Les couples brisent
fréquemment et le père ne s'investit plus
dans son rôle", explique Guadalupe Puentes-Neuman.
En fait, la présence de ces pères dans la
vie de l'enfant dépend de la relation qu'ils ont
su établir avec lui mais évidemment de la
bonne relation avec la mère. Les ateliers visent
donc à valoriser le rôle de papa et à
l'outiller pour qu'il puisse proposer des jeux. Cette
activité comporte aussi des périodes de
discussions thématiques: "les pères échangent
beaucoup" rapporte la chercheuse.
Le volet recherche s'établit sur
une base volontaire. Sur les 28 papas, 22 y participent
à travers des questionnaires à remplir et
l'enregistrement audiovisuel de diverses interactions
avec leur enfant. Pour leur part, les animateurs des ateliers
colligeront leurs impressions tout au long de l'année.
Les chercheurs s'intéressent à la qualité
de l'interaction père-enfant, de la discipline
aux valeurs éducatives. "Nous pensons, selon la
théorie développé par le Pr Daniel
Paquette de l'IRDS, que le père stimule l'enfant,
développe son côté actif et sa socialisation.
L'auto-contrôle serait ainsi un apport du père",
soutient Guadalupe Puentes-Neuman. Un auto-contrôle
utile à l'enfant lorsque le père se livre
à une séance de chatouilles particulièrement
chatouillante ou lorsque la frustration le gagne en présence
d'un jouet très attirant enfermé dans une
boîte scellée. C'est alors que de grandes
mains, celles de papa, deviennent bien utiles.
Isabelle Burgun