Asthme professionnel
Le travail dans le nez
(Agence Science-Presse) - Ce n'est ni votre
patron, ni la répétition de vos tâches
mais il y a quelque chose dans l'air que vous ne supportez
plus. Invisible, sournois, un produit volatil vous rend
la vie impossible.
L'asthme professionnel est une maladie fréquente
chez le pâtissier qui respire de la farine à
longueur de journée, ou chez le peintre automobile
qui oeuvre dans les vapeurs d'isocyanates. Si l'asthme
proprement dit affecte de 5 à 10% de la population,
un cas d'asthme sur dix à l'âge adulte aurait
une cause professionnelle. "Le retrait du travail est
souvent ce qui est envisagé ", annonce la Dr
Manon Labrecque, pneumologue de l'Hôpital du Sacré-Coeur
de Montréal.
Manon Labrecque se passionne pour l'asthme professionnel
depuis son séjour en Abitibi. À Val
d'Or, de nombreux travailleurs des mines et de la
transformation du bois (scieries) ont développé
des maladies pulmonaires et de l'asthme. De retour
à Montréal, elle a rejoint l'équipe
du Dr Jean-Luc Malo au sein de l'Hôpital du
Sacré-Coeur de Montréal où travaillent
également Catherine Lemière, qui se
penche plus spécifiquement sur les expectorations,
et André Cartier, spécialiste de "l'asthme
au crabe", le fléau des Provinces Maritimes. |
A
visiter:
Centre
Asthme et travail
Asthme
professionnel par la CSST
|
La pneumologue travaille par ailleurs à
un projet provincial sur l'asthme professionnel associé
aux isocyanates, produits de l'industrie automobile, sous
l'égide de l'Institut de recherche Robert-Sauvé
en santé et sécurité au travail (IRSST).
Un dépistage massif de cette maladie pulmonaire
auprès de 4000 travailleurs en carrosserie est
en cours. "Il s'agit le plus souvent d'employés
de petits garages. Les premiers résultats nous
montrent que la prévalence, estimée de 3
à 5 %, est moins élevée que prévu",
confie celle qui est aussi consultante pour la Commission
de la santé et de la sécurité au
travail (CSST).
Plein les bronches
L'asthme est une réaction inflammatoire
des bronches qui se manifeste par de la difficulté
à respirer, de la toux ou une respiration sifflante.
"Certains agents sensibilisants donnent aussi une rhinite
allergique qui affecte le nez. La farine commence par
ça." Il peut y avoir aussi des problèmes
de peau: "de nombreux travailleurs de la santé
présentent par exemple des allergies cutanées
au latex".
Pourtant, l'origine professionnelle des
cas d'asthme s'avère parfois difficile à
confirmer. Plus de 250 agents sont actuellement connus
comme allergènes! "Dans les scieries, nous n'avons
toujours pas trouvé l'agent responsable. Le mélange
de vieille sciure et de copeaux de bois frais doit libérer
des levures très volatiles mais difficilement décelables",
rapporte Manon Labrecque.
Alors, pour dépister le coupable,
en laboratoire, la pneumologue provoque des crises d'asthme!
Elle pulvérise le produit incriminé à
proximité des narines de l'individu. De façon
plus réaliste, le travailleur peut également
brasser de la poussière de bois, appliquer de la
peinture industrielle ou travailler une pâte à
biscuit dans une des deux chambres d'immersion. Le tout
sous contrôle. "Je désire obtenir une
petite crise et non une obstruction sévère.
Je recherche une chute maximale de 20% du débit
respiratoire."
En cas d'échec, il faut aller sur
place. Une technicienne va suivre pas à pas le
travailleur en vérifiant périodiquement
sa respiration et les produits suspects.
Consultation volontaire
S'il est conseillé de consulter au
plus tôt, certains travailleurs ne le font pas,
comme ceux de la transformation du crabe dans les Maritimes.
"De génération en génération,
ils sont malades mais refusent de se retirer de ce travail
saisonnier qui leur permet de vivre."
Au Québec, la CSST a mis en place
un service de compensation avec prise en charge du travailleur
(réintégration, nouvelle formation, support
pour le retour à l'emploi) se basant sur le diagnostic
des laboratoires de dépistage de l'asthme professionnel.
Le Dr Labrecque pense qu'il sera un jour
possible d'éradiquer cette maladie à l'aide
d'une prévention musclée. "L'emploi de
masques, d'une ventilation adéquate et l'adoption
d'alternatives aux produits allergènes s'avèrent
actuellement des mesures simples à mettre en place
au sein des industries", plaide-t-elle.