Le Chindaï Régénération
Une séance de relaxation qui coûte cher
(ASP) - Sans se soucier de son caractère
peu scientifique, des établissements publics font
appel à une méthode de relaxation au nom
exotique et au prix élevé, le Chindaï
Régénération. Ces organismes
ont offert à leur clientèle âgée,
parfois atteinte de maladie mentale, des séances
de cette activité qui constitue de surcroît
un danger pour les psychotiques.
Depuis quatre ans, Grégory Ardiet,
professeur et unique responsable du Chindaï Régénération
au Canada, prêche les prétendues vertus de
cette technique de méditation dans les centres
dhébergement de soins de longue durée
(CHSLD), dans les hôpitaux ainsi que les écoles.
Brochure sous le bras, site Internet à lappui,
M. Ardiet propose aux intervenants détablissements
subventionnés cette technique qui serait, paraît-il,
enseignée en France.
Elle est née il y a une quinzaine
d'années, inspirée du Chindaï un
nom qui signifierait équilibre lequel est
décrit par ses partisans comme " lart
martial du 21e siècle ".
Le Chindaï favoriserait lévacuation
de la fatigue et du stress. Pour se faire, il se baserait
sur " le corps énergétique ",
un concept flou dont l'existence n'a jamais été
démontrée. Le neuropsychologue de l'Université
de Montréal Jean-Paul Guillemot précise
qu" aucun instrument de mesure ne peut
percevoir le champ magnétique de lhumain. "
Il n'hésite pas à en parler comme d'une
fumisterie.
Méfiez-vous de la visualisation
Le Chindaï Régénération
utilise des mouvements en douceur et des exercices de
respiration, typiques des techniques de relaxation. Sajoute
à cela la visualisation déléments
dont lair, le feu, leau, la terre et les couleurs:
les adeptes inspirent, attrapent un soleil imaginaire
et le redescendent en expirant et laissent sa "chaleur"
les " énergiser ". Un exercice
qui semble inoffensif... mais qui se révèle
néfaste pour les personnes atteintes de troubles
psychotiques.
Il y a trois ans, témoigne Denise
Fortin, psychologue du Centre hospitalier Fleury, Grégory
Ardiet avait proposé des séances pour la
clientèle en santé mentale de cet hôpital
montréalais. " Cétait bien
pour les névrotiques, ceux qui souffrent de dépression,
mais alors pas pour les psychotiques! Les images abstraites
les troublaient. " Constatant le résultat
néfaste, Mme Fortin a mis un
terme à l'activité.
C'est que limagerie mentale affecte
les individus qui ont de la difficulté à
différencier la réalité de leur imaginaire.
" La difficulté détablir
une distinction entre la réalité et le fantasme
fait partie de la psychose", explique Gilles Ouimet,
président de lAssociation des psychologues
du Québec.
Un choix coûteux
Une vingtaine de centres sociaux ou hospitaliers
ont intégré le Chindaï Régénération
dans leurs activités en se fiant uniquement aux
propos de M. Ardiet. Ces organismes déboursent
800$ par session, soit 80$ par séance d'une heure,
pendant 10 semaines.
Certains responsables des loisirs ont offert
une session pour faire connaître cette technique
à leurs usagers; quelques uns lont instaurée
à la demande de la clientèle. La majorité
a cessé les cours en raison dun manque de
fonds. " M. Ardiet venait visiter une de
nos bénéficiaires. À quelques reprises,
il ma parlé du Chindaï Régénération.
Ça semblait intéressant, jai embarqué ",
relate Lyne Boudreau, technicienne en loisirs du CHSLD
Émilie-Gamelin. Grégory Ardiet donne des
séances à ce centre pour personnes âgées
depuis trois ans.
" Je le décris comme de
la relaxation. Les gens lapprécient, ça
les calme ", fait part Mme Boudreau. La détente
ressentie ne viendrait-elle pas du simple fait de relaxer?
" Du moment que la méthode
emploie des mouvements lents et une bonne respiration,
le corps se détend. Que ce soit Chindaï, Tai
chi ou gymnastique douce, cest grosso modo
la même chose mais appelée autrement!"
souligne le psychologue, Paul Golliez. Pourquoi les établissements
publics ne feraient-ils pas un simple exercice de relaxation?
Cela permettrait dépargner quelques sous
et déviter des frousses aux psychotiques...
Marie-Sandrine Auger