Nuits blanches
(ASP) - Un mouton, deux moutons, trois moutons
Vous n'êtes pas seul à les compter dans votre
chambre. Mais c'est là une pratique qui peut engendrer
une dépendance aux somnifères.
"L'insomnie chronique est un problème
en soi et non pas seulement la pointe de l'iceberg d'une
dépression ou de problèmes psychologiques",
affirme Charles Morin, professeur de psychologie clinique
et directeur du Centre d'étude des troubles du
sommeil à lUniversité Laval. Il a
récemment testé auprès de 76 insomniaques
sévères un programme combiné: sevrage
graduel des somnifères, et approche psychologique
(de bonnes habitudes à adopter avant de se mettre
au lit).
Et 85% de ces accros aux somnifères
la grande majorité en prenaient depuis presque
20 ans les avaient délaissés après
dix semaines. "À court terme, le programme fonctionne
très bien mais on a remarqué qu'il persiste
une différence dans la quantité et la fréquence
de prise de somnifères au-delà d'un an."
Le chercheur relève aussi une diminution de la
détresse psychologique de ces mauvais dormeurs.
Les résultats sont parus dans l'édition
de février de l'American Journal of Psychiatry.
Au Québec, un tiers de la population
souffre d'insomnies occasionnelles. Une personne sur dix
fait des insomnies chroniques. Les femmes seraient plus
fragiles dans une proportion de deux pour un
ainsi que les personnes âgées et les personnes
souffrant de troubles de santé ou psychologiques.
"Il faut compter aussi sur une autre variable, celle du
tempérament. Les inquiets qui se couchent avec
leurs problèmes ou les survoltés dont la
tension musculaire et la température sont plus
élevées." Mais de nombreuses personnes exemptes
d'anxiété souffrent aussi d'insomnie.
Un mouton, deux moutons...
Pour améliorer votre sommeil, l'une
des stratégies est d'adopter un comportement strict
: se réveiller chaque jour à la même
heure, se lever lorsque le sommeil ne vient pas, aller
au lit lorsqu'on somnole et uniquement pour dormir
éviter les siestes, les excitants tel le café
ou le sport avant de se coucher. Il faut aussi modifier
ses croyances erronées, comme celle voulant que
l'on soit un mauvais dormeur ou que la seule solution
consiste à prendre des somnifères.
"Il faut briser le cercle vicieux de l'insomniaque
qui se blâme de ne pas pouvoir dormir. Il n'y a
rien de pire pour faire fuir le sommeil que de se mettre
de la pression" soutient Charles Morin.
Si les insomniaques rêvent de passer
de longues heures dans les bras de Morphée, dormir
beaucoup ne garantit cependant pas la qualité des
nuits. "Les personnes qui souffrent d'apnée du
sommeil, un problème respiratoire, passent des
nuits fragmentées. Ils se lèvent sans se
sentir reposés. Il vaut mieux dormir moins mais
de manière profonde." Et certaines personnes ont
besoin de huit heures de sommeil pour bien fonctionner,
d'autres de seulement six heures et demi.
La carence de sommeil engendre toutefois
différents problèmes, de la baisse de la
concentration à l'irritabilité, en passant
par une moindre productivité. Charles Morin avance
aussi que des études montrent que les victimes
d'insomnie chronique sont plus à risque de faire
des dépressions.