L'Arctique: le canari
du réchauffement global
(ASP) - Des créatures marines du
Grand Nord commencent à subir des changements imputables
au réchauffement global, conclut une étude.
Mieux encore, le rythme des changements, au cours des
150 dernières années, peut être directement
associé au rythme des changements climatiques.
C'est ce qu'affirme une équipe de
26 chercheurs de cinq pays, dont le Canada, qui publie
ses résultats dans une édition récente
de la revue américaine Proceedings of the National
Academy of Sciences. Et si de tels changements en
sont au point où ils sont mesurables chez des bestioles,
il doit en être de même dans d'autres régions
du globe, ajoutent les chercheurs.
L'Arctique, écrivent-ils, est
"le canari des changements environnementaux": une
référence aux canaris qui, dans les mines
du siècle dernier, servaient de signal d'alarme
aux mineurs. Si un gaz toxique s'infiltrait dans la mine,
le canari était le premier à mourir.
L'étude dont il est question ici
était à grande échelle: les
sédiments de 55 lacs couvrant cinq des pays de
l'Arctique, ont été analysés.
Comme le savent les biologistes, les sédiments
déposés au fil des années conservent
des traces des populations d'algues, de plantes aquatiques
et de larves d'insectes et permettent ainsi d'amasser
des données sur l'évolution de ces populations
au fil des décennies, des siècles, voire
des millénaires.
Les sédiments ont également
dirigé les chercheurs, provenant de plusieurs disciplines,
sur d'autres pistes: ainsi, une
étude antérieure, à laquelle
participait l'archéologue James Savelle, de l'Université
McGill fait par exemple état des traces laissés
par les chasseurs inuits au cours des huit derniers siècles,
qui permettent de mieux mesurer leur impact sur les écosystèmes
locaux.
L'ampleur de ce "livre d'histoire" dépend
évidemment de ce que ces lacs ont pu préserver
de leurs sédiments. À ce titre, les lacs
de l'Arctique, parce qu'ils ont été moins
perturbés par l'activité humaine, ont de
meilleures chances d'être d'excellentes fenêtres
sur le passé. Mais les lacs de l'Arctique étant
plus difficiles d'accès, de telles recherches sont
plus coûteuses, avec pour résultat que les
données sont encore maigres, déplore le
chercheur principal, John Smol, de l'Université
Queen's, en Ontario.
Dans ce cas-ci, les chercheurs ont pu généralement
remonter à plusieurs siècles en arrière.
Ils ont ainsi pu constater une grande stabilité
dans les populations aquatiques jusqu'au milieu des années
1800. Après quoi, les changements commencent à
se faire visibles et le rythme des changements s'accélère
considérablement au cours des 30 dernières
années. Par exemple: certains lacs voient leur
biodiversité s'accroître de façon
significative, parce que les été se font
plus longs ce qui veut dire que le lac est libre
de glaces pendant 2 mois, plutôt qu'un seul. D'autres
voient apparaître des organismes normalement associés
aux eaux plus profondes, un signe que le lac ne s'est
pas réchauffé qu'en surface, mais aussi
en profondeur.
Et ce ne sont pas tous les lacs qui se réchauffent
au même rythme, ni même qui se réchauffent
tout court. L'un d'eux par exemple, situé dans
le Nord du Québec, ne présente aucun changement
biologique, et constitue à ce titre une "région
de contrôle", explique Reinhard Pienitz, de l'Univeristé
Laval. S'il s'agissait simplement de pollution dans l'Arctique,
comme le prétendent les opposants à la thèse
du réchauffement planétaire, tous les lacs
de l'Arctique auraient dû se réchauffer au
même rythme, explique-t-il.