Un traitement innovateur contre la
leucémie
(ASP) - Quoi de plus ingénieux que
dutiliser le système immunitaire dun
individu pour combattre le cancer
dun autre
individu ? Cest ce que le Dr Claude Perreault et
son équipe du Centre de recherche Guy-Bernier,
à lHôpital Maisonneuve-Rosemont, ont
réussi après 10 ans de travail. Les résultats
de leur démarche inédite ouvrent la voie
à une thérapie prometteuse contre la leucémie.
Chacun sait quune transplantation
d'organe peut entraîner un rejet: notre système
immunitaire identifie le nouvel organe comme un corps
étranger, et travaille à l'éliminer,
causant la mort du patient. Lexploit des chercheurs
québécois est donc davoir dompté
ce mécanisme pour le diriger essentiellement contre
les cellules cancéreuses. Autrement dit, on se
sert du système immunitaire pour tenter de rejeter
le cancer. "Il est maintenant possible, affirme Claude
Perreault, dutiliser cette approche de rejet sélectif
pour combattre les tumeurs cancéreuses sans causer
de dommage aux organes vitaux comme la peau, le foie ou
les intestins."
Cette idée vient de la trouvaille
dun groupe de chercheurs de Seattle, qui avait observé
dès 1980 que le taux de succès dune
transplantation de la moelle osseuse était beaucoup
plus faible lorsque le donneur était le jumeau
identique du patient. Selon eux, cette différence
était due à des antigènes (antigènes
mineurs dhistocompatibilité) contenus dans
toutes les cellules du corps et détectés
par les lymphocites (communément appelés
globules blancs, les "soldats" de notre système
immunitaire). Ce qui provoquait le rejet. Pour éliminer
les cellules cancéreuses, sans provoquer une réaction
de rejet, il suffisait donc, en théorie, de créer
des lymphocites qui ne cibleraient que les antigènes
cancéreux. L'équipe montréalaise
s'est ainsi acharnée à trouver un " antigène
cible ".
La mission est désormais accomplie.
Le traitement découvert na encore été
testé que sur des souris de laboratoire, mais les
essais cliniques sur des personnes atteintes de leucémie
devraient débuter dici deux ans. On injectera
plus précisément au malade un lymphocite
spécialement conçu, le T-CD8, "programmé"
pour sattaquer et éliminer un antigène
des cellules du sang spécifiquement ciblé,
et ce, sans causer de tort aux autres types de cellules.
Le succès de lintervention
repose sur deux éléments : la sélection
de la cible et la purification des lymphocites T-CD8.
Les travaux du groupe de chercheurs montréalais
suscitent un grand intérêt dans la communauté
scientifique car les cellules étudiées étaient
très malignes, constituant de ce fait un test difficile
pour le système immunitaire. Par ailleurs, des
antigènes analogues à celui ciblé
dans la souris se retrouvent chez lhumain.
Actuellement, seulement le tiers des receveurs
leucémiques sont réceptifs à la greffe
de la moelle osseuse. Avec cette découverte, leur
nombre pourrait tripler, faisant du cancer du sang une
maladie guérissable. Cette percée scientifique,
réalisée grâce à lappui
financier de lInstitut national du cancer du Canada,
est publiée dans le numéro de juillet de
la prestigieuse revue scientifique britannique Nature
Medicine.
Sylvie
Dugas